La bulle du football va-t-elle éclater?

« L’Equipe » devient le « Financial Times »

Lire le quotidien « L’Equipe », cet été, est un sacerdoce qui rappelle la lecture du « Financial Times » en 1999. Souvenez-vous, c’était juste avant l’éclatement de la (première) bulle Internet. Le « FT », la bible quotidienne rose saumon de la City, nous annonçait chaque jour qu’une start-up inconnue, au nom se terminant en « oo », avait été vendue pour 50 ou 100 millions de dollars à un géant des télécoms ou des médias. Cet été, L’Equipe nous raconte tous les matins qu’un footballeur débutant, au nom se terminant en « yoko » ou « aku », a été transféré pour 50 ou 100 millions d’euros dans un des grands clubs européens.

Le « FT » nous expliquait les montages financiers des acquisitions. On nous parlait stratégie, contenu/contenants, synergies des réseaux de distribution, BtoB, BtoC etc. Aujourd’hui, L’Equipe nous parle du nécessaire 4-3-3, des conséquences sur l’effectif du club, des joueurs qu’il faudra vendre etc.

Certains numéros de juillet nous détaillent même les charges sociales additionnelles qui pèseraient sur le montant du transfert de Neymar au PSG, ou les impôts espagnols qui s’ajouteraient à celui de M’Bappé vers le Réal. C’est aussi passionnant que la lecture d’un bilan. Vous voulez lire de la prose sur le beau jeu, sur la grandeur du sport: on vous impose la lecture triste d’un quotidien financier.

Une énorme bulle s’est formée

Les bulles financières sont aussi vieilles que le monde. Des tulipes hollandaises aux subprimes, en passant par le canal de Suez ou Internet, les bulles se forment lentement, pleines de cupidité humaine, et finissent par exploser. Malheureusement, contrairement aux bulles de savon, les taches qu’elles laissent ne disparaissent pas.

Juste avant l’éclatement de la crise des subprimes, au début de l’année 2007, alors que le crédit coulait à flot, c’est le patron de Citigroup qui, d’une métaphore, avait le mieux décrit la bulle: nous dansons tous tant que la musique joue, il ne faudra pas être le dernier debout lorsqu’elle s’arrêtera.

Puis, en juillet 2007, la musique s’était arrêtée et lui et d’autres, restés debout, avaient été emportés par la crise.

bulle

La bulle du foot bat son plein. A défaut d’avoir pu embaucher Lukaku, un bon joueur, certes, mais au potentiel limité, parti pour 90 millions à Manchester United, Chelsea a acheté Morata, remplaçant au Réal, pour 85 millions! Bakayoko, une sélection comme remplaçant en équipe de France et une bonne saison à Monaco, va rejoindre Morata pour 45 millions. Ne parlons pas de Neymar, valorisé à 222millions (plus les charges) ou de M’Bappé, que le Réal songerait sérieusement à acheter 180 millions (plus taxes, vous suivez?).

Que se passera-t-il lorsque la musique s’arrêtera?

Parce qu’elle s’arrêtera un jour.

Ces montants sont ridicules, pour le dire gentiment.

Moins gentiment: ils donnent envie de vomir. Ils faussent totalement un sport magnifique, le sport le plus populaire au monde. Un jour prochain, un vrai règlement de fair play sera mis en œuvre, puisque celui qui existe déjà, -un progrès obtenu par Michel Platini-, est insuffisant. Un jour, nous aurons des caps sur les salaires et des caps sur le montant des transferts, comme c’est le cas dans certains sports professionnels américains.

Que quelques milliardaires russes, dont l’origine de la fortune n’est pas simple à comprendre, et que des cheiks arabes, héritiers de dictatures religieuses moyenâgeuses, qui font exploiter le pétrole du sol où ils sont nés par d’autres, se tirent la bourre pour s’acheter des « danseuses », -afin d’épicer un peu leurs mornes vies, passées presque entièrement dans des centres commerciaux, tous constitués des mêmes boutiques de luxe d’une vulgarité inouïe-, on peut le comprendre. Mais que ces gens ordinaires volent nos rêves extraordinaires en brisant la magie du football, on ne peut l’accepter.

Lorsque la musique s’arrêtera, « l’actif » de leur équipe (les footballeurs) ne vaudra plus rien. Comme les actionnaires de Lehman Brothers, il leur restera leurs yeux pour pleurer, et ils erreront, déprimés, dans un centre commercial climatisé, où ils achèteront, la rage au cœur, toujours plus de sacs et de bijoux hors de prix. Espérons qu’ils investissent ensuite leur vulgarité dans un autre secteur. Espérons que le football redevienne alors un sport dans lequel Bastia, comme en 1978, peut arriver en finale de la coupe d’Europe.

L’AS Monaco, club de football ou « incubateur de start-ups »?

Le mépris que nous inspirent ces mécènes vulgaires du football ne s’étend pas au propriétaire de Monaco, le milliardaire russe Vadim Vasilyev. Car Monaco n’est pas sa danseuse, Monaco est son hedge fund, son incubateur de start-ups. Vasilyev est un trader exceptionnel. Son métier? Acheter des footballeurs, les développer, les revendre comme danseuses à des grands clubs. Il profite de la mégalomanie de ceux qui veulent se payer la plus belle danseuse. Il a commencé avec James Rodriguez (vendu 80 millions au Réal) puis Martial (80 millions à Manchester United). Cette année, il a déjà vendu, entre autres, Silva (50M, City), Mendy (57,5M, City), Bakayoko (45M, Chelsea), et négocie Lemar (pour lequel il demanderait 60M, mais à Wenger, donc il aura plus de mal!). Sans parler de M’Bappé, évidemment.

Vasilyev est un génie financier. Il sait que la musique va bientôt s’arrêter: il veut vendre ses start-ups maintenant, au prix de la bulle, avant l’éclatement inéluctable.

Vasilyev sera assis confortablement lorsque la musique s’arrêtera.

Vasilyev
Vasilyev debout pour saluer le Prince Albert, mais il va se rasseoir

3 commentaires

  1. Pour illustrer la notion de bulle financière, on racontait à l’époque Tapie-Denisot l’histoire suivante (et je ne sais plus si on l’attribuait à l’un des deux expliquant la vie à l’autre) : un clochard propose aux passants d’acheter son chien. L’un d’entre eux s’arrête et lui demande le prix. Le clochard répond « Un million d’euros. » « Un million d’euros ??!!, vous êtes fous ! Vous ne le vendrez jamais votre clebs ».
    Quelques jours plus tard le même passant croise le clochard. Il lui demande « vous l’avez vendu votre chien à un million d’euros ? ». Le clochard lui répond « Oui, je l’ai bien vendu un million d’euros. A quelqu’un qui voulait vendre deux chats pour 500.000 euros chacun ».

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  2. Le mieux c’est de se tourner vers les championnats de plus bas niveaux, des championnats locaux voire même de voir et découvrir d’autres sports. C’est clairement le cas du football gaélique, qui est un sport pratiqué par des centaines de milliers de gens en Irlande (et pas que) et qui pourtant reste un sport 100% amateur.

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