On ne parle pas de la même façon au foot et au rugby, surtout quand on parle des arbitres. Au football, quand on pense que l’arbitre est mauvais, on le dit et on lui en fait reproche. Au rugby on dit juste qu’il a favorisé une équipe. Mais sans s’énerver.
On se souvient tous du regretté Thierry Roland, insultant Monsieur Foote, qui arbitrait (lamentablement) le Bulgarie – France qualificatif pour la Coupe du Monde 1978. Ce « Monsieur Foote vous êtes un salaud » reste un grand moment du sport télévisé. Thierry Roland avait même ajouté que ce personnage aurait dû être en prison et non pas sur un terrain de football.
Autre adepte du style direct, Arsène Wenger. Ainsi après le match Chelsea – Arsenal du 19 septembre dernier (2-0). L’arbitre avait escroqué Arsenal de manière tellement claire que des sanctions avaient été prises après coup contre Costa, qui n’avait pas même écopé d’un carton rouge lors du match. Défavorisé de manière incontestable par l’arbitre, Arsène Wenger avait dit sans détour en conférence de presse à quel point ces comportements étaient écœurants.

Et tu veux bien enlever les mains de tes poches ?
D’autres responsables de clubs peuvent exprimer leur opinion critique de manière moins franche. Vincent Labrune en a donné un bon exemple à l’issue du dernier Marseille – Lyon. On se souvient que le public marseillais s’était surpassé ce soir là, en huant et en insultant un Valbuena pourtant exemplaire, après avoir pendu une poupée à son effigie. Les joueurs marseillais s’étaient mis au niveau de leurs supporters en se comportant comme des voyous sur le terrain. Après trois actions qui auraient mérité un carton rouge l’arbitre avait fini par en sortir un.
Interviewé après le match, Vincent Labrune, loin de calmer les esprits comme aurait dû le faire un président de club, s’était comporté en chef de bande en attisant encore la colère de ses supporters. N’ayant pas même le courage d’accuser clairement les arbitres d’avoir été injustes, ou le staff lyonnais de les avoir influencés, il s’était contenté de l’insinuer en faisant remarquer avec un petit sourire que cela faisait deux matchs dans la semaine que Lyon finit à 11 contre 10.
Encore des critiques donc, injustifiées cette fois-ci, et prononcées au second degré.

C’est beaucoup de travail.
Que se passe-t-il au rugby quand l’arbitre prend des décisions biaisées ?
On ne le dissimule pas, on ne se contente pas non plus de le suggérer plus ou moins subtilement, on le dit, mais on ne s’en offusque pas.
Ainsi samedi dernier pour le match Ecosse – Samoa (36-33). On sait qu’il est très difficile d’arbitrer un match de rugby, et donc de juger un arbitre. Mais ici quelques décisions claires ont été prises en faveur des Ecossais. Ainsi quand Ryan Wilson donne un coup de pied volontaire au Samon Maurie Fa’asavalu à terre, il n’écope que d’un carton jaune alors que le rouge s’imposait.

Piétiner un adversaire c’est interdit en toutes circonstances.
Mais en langage rugby cela s’appelle du stamping et donc c’est différent. Ce n’est pas recommandé mais ce n’est pas non plus franchement interdit.
Quelques minutes plus tard un essai est refusé aux Samoans pour une faute réelle mais bénigne, comme il s’en commet impunément des dizaines dans un match. Cette faute a été repérée par l’arbitrage vidéo, demandé par l’arbitre sans raison apparente.
Plus tard encore, les Ecossais marquent un essai, précédé probablement d’un en-avant en sortie de mêlée. Je ne peux que dire « probablement » car l’arbitrage vidéo n’a pas été demandé. Cette éventuelle faute n’a donc pas pu être identifiée. L’asymétrie de traitement est nette : en demandant l’arbitrage vidéo on décortique l’action, on peut donc repérer une faute qui aura échappé à l’arbitre en direct. Demander la vidéo dans un cas et pas dans l’autre est lourd de conséquences.
Bref, l’arbitre a biaisé le résultat.
Pierre Berbizier l’a dit très clairement en plateau à la mi-temps « On peut croire que les Samoans ne vont pas être aidés pour gagner ce match. Il semble qu’on veuille les Ecossais en quart de finale ». Globalement tous les commentateurs le disent, les Samoans ont eu à subir des décisions qui ne leur ont pas été favorables.

Les spécialistes l’affirment donc très tranquillement, l’arbitre a favorisé une équipe contre l’autre, mais on ne s’en offusque pas. On ne s’énerve pas. C’est ainsi.
Cela avait clairement été le cas lors de la finale de la Coupe du Monde Nouvelle-Zélande – France en 2011 (8-7). Nous avions été très nettement défavorisés par l’arbitre. Les spécialistes étaient unanimes pour le dire, et la presse britannique en rigolait. Mais voilà, c’était le jeu. Il est admis au rugby que l’arbitre peut décider du vainqueur.
On ne conteste pas l’arbitre sur le terrain, on ne le fait pas non plus en dehors.
Est-ce bon ? Je ne suis pas sûr.
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