Arsenal dans la spirale du succès amoureux

Nous terminons notre série d’été sur l’amour en revenant très doucement vers le football.

Arsenal, vainqueur hier de son premier match de championnat,  a gagné le week end dernier un deuxième titre consécutif en quelques mois (Community Shield, le trophée des champions anglais, contre le champion Man City, 3-0, après la Cup en mai).

Après 8 saisons et 9 années sans la joie orgasmique d’un titre, Arsenal devient soudain un serial winner.

Pourquoi ?

La spirale du succès

On peut chercher des explications footballistiques : une équipe peu modifiée, de plus en plus solide, des joueurs de retour de coupe du monde plein de confiance (sauf les espagnols), en forme puisqu’ils n’ont pas été titulaires tous les matchs, une préparation réussie et une équipe de City pas encore au point. On pourrait continuer la liste des explications usuelles d’articles de football.

Billevesées.

L’explication est ailleurs. Comme souvent, elle est à rechercher dans nos expériences amoureuses.

Nous avons tous connu, vous Monsieur, vous Madame, des périodes de longue disette amoureuse. Pendant des semaines, parfois des années, rien. Pas un rendez-vous, pas un sourire, pas même un petit baiser avec la langue. Toutes nos tentatives échouent lamentablement. Nous sombrons dans le ridicule et la déprime.

Et puis soudain, alors que nous n’y croyons plus, nous plaisons à quelqu’un et nous nous vautrons enfin dans les draps tachés de l’amour.

La magie de l’amour

Dans les jours et les semaines qui suivent tout nous sourit. Bientôt, c’est le trop plein. Nous voilà bien ennuyés, ne sachant plus choisir entre la blonde écervelée si sexy, la brune romanesque et la rousse volcanique –Monsieur-, ou le GO brésilien jeune et musclé aux yeux verts et le cadre sup d’âge mur aux costumes bien coupés et à la cravate Hermès bleu nuit, dans sa BMW décapotable –Madame-. Nous n’existions plus sur le marché de la séduction ; de manière incompréhensible, une seule nuit nous a transformés en garçons ou filles irrésistibles.

La spirale du succès

Les mondes parallèles

Tout cela est plus logique qu’il n’y paraît. Nous voulons tous être des élus, pas des choix par dépit. Nous désirons être sélectionnés dans une liste impressionnante d’amoureux possibles, beaux et sexy. Il couche avec moi alors qu’il a le choix. Il pourrait être avec tant d’autres femmes.

Voilà pourquoi l’être aimé attire autant les autres, tandis que le délaissé les repousse.  Un palmarès insuffisant agit sur les humains comme un répulsif sur les moustiques.

Milan Kundera l’a dit autrement dans « Le livre du rire et de l’oubli » :

« Car il avait compris le secret de la vie. Les femmes ne recherchent pas le bel homme. Les femmes recherchent l’homme qui a eu les belles femmes.»

C’est l’effet boule de neige du succès.

Dans une carrière, un « early break », un gros succès très jeune, parce que l’on a su saisir une chance, ou parce que l’on était au bon endroit au bon moment, est presque toujours la recette de la réussite insolente. Sans early break, on risque d’évoluer toute sa vie dans un univers d’échec, d’être enfermé dans le cercle vicieux de la défaite. Comme des univers parallèles, l’échec et le succès ne se rencontrent en effet théoriquement jamais. Il est presque impossible de passer de l’un à l’autre. Seule une anomalie du destin, un cygne noir mais blanc, comme cet amour rencontré alors que nous étions au plus bas, ou cette coupe d’Angleterre gagnée au bout du suspens, peut permettre aux univers parallèles de se rencontrer, et ouvrir une faille spatio-temporelle, un corridor, entre le cercle vicieux de l’échec et la boule de neige du succès.

Les univers parallèles du succès (à droite) et de l’échec (à gauche), au centre une faille spatio-temporelle

Des inégalités scandaleuses

Dans son extraordinaire roman « Extension du domaine de la lutte », Houellebecq a le premier dénoncé la scandaleuse inégalité du marché du sexe et de l’amour. Les riches sont de plus en plus riches tandis que les pauvres, de plus en plus délaissés, sont confinés dans une misère sexuelle qui déchire le cœur.

Par analogie, on pense tout de suite au championnat de France, avec le PSG ultra-riche et les autres clubs qui suscitent la pitié, ou à l’économie mondiale, avec le Qatar à une extrémité, et la France à l’autre.

Pendant que les grands séducteurs, les chanteurs branchés, les riches présentateurs télé, collectionnent les milliers d’aventures avec des bombes, pendant que les actrices connues épousent des milliardaires après avoir couché avec tous les réalisateurs tellement séduisants, certains restent des années sans un petit baiser gentil, sans même tenir une misérable main moite.

Le cercle vicieux de l’échec

Winner-take-all

Nicolas Nassim Taleb (« Fooled by Randomnes ») a bien expliqué ce paradoxe : alors que les nouvelles technologies étaient sensées apporter de la diversité, permettre aux différents goûts et opinions de s’exprimer, on a au contraire assisté à une uniformisation sans précédent du monde. Tout le monde lit la même chose au même moment, regarde la même photo, parle du même sujet. C’est l’effet « winner-take-all ». Il n’y a pas plus de gagnants qu’avant, peut-être moins, mais ils raflent toute la mise.

Des dizaines de millions d’asiatiques « likent » les pages d’Arsenal. Du coup, les gunners ont pu négocier leurs premiers contrats publicitaires en Asie. Et ils ont acheté Özil* et Sanchez.

Ce garçon, populaire dans son lycée, qui sortait avec toutes les filles de sa classe, devient, par la magie de Facebook et Instagram, l’idole de tous les lycée de Paris. Des milliers de filles rêvent de lui, jusqu’à Bobigny et Pantin. Ce chanteur, auparavant à la mode une journée de cheval autour de sa ville, est devenu, par la grâce de Youtube, un symbole sexuel mondial.

On ne prête qu’aux riches

L’équipe d’Arsenal, en remportant la coupe, a enfin rencontré cet amour au fond du trou qui va lui permettre de franchir la faille spatio-temporelle entre l’échec et le succès. Dans ce corridor hors du temps, elle croisera Manchester United qui prend le chemin inverse. Elle rejoindra, enfin, l’univers parallèle de la réussite, où, aux côtés de Patrick Bruel, de Carla Bruni et de l’équipe d’Allemagne, elle remportera titre sur titre.

 * Rappelons pour nos nouveaux lecteurs qu’Özil est extrêmement nul, certainement le plus mauvais achat de l’histoire d’Arsenal

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