Benzéma ne fait pas l’unanimité malgré ses 3 buts dans les deux premiers matchs. On le critique. Certains se réjouissent presque de son match raté contre l’Equateur.
Voici le compte-rendu son procès en individualisme. En commençant par l’accusation.
I) Parole à l’accusation : les preuves d’individualisme
Pas de marseillaise : symptôme d’individualisme
Mesdames et Messieurs les jurés, vous le savez, il y a 10 ou 15 ans, beaucoup de joueurs ne chantaient pas la marseillaise. Tout le monde s’en fichait. Seulement voilà, aujourd’hui, ils ont tous décidé de la chanter.
Tous ? Non. Car un joueur, le mis en examen ici présent, M. Benzéma, résiste, encore et toujours à la pression de la société et du groupe.

Le problème, évidemment, ce n’est pas qu’il indispose tel éditorialiste, le problème c’est qu’en gardant les lèvres closes, il se désolidarise du reste des joueurs. Il refuse de se sacrifier en chantant, il ne veut pas faire comme les autres. Il révèle son individualisme, le pire péché dans un univers collectiviste. Il refuse d’entrer dans la ronde (j’utilise les mots de Milan Kundera).

Pour aggraver son cas, Benzéma ne sourit pas beaucoup
Dans « L’Insoutenable légèreté de l’être », Kundera raconte qu’il n’existe pas une seule photographie du président Kennedy sur laquelle il ne montre pas les dents, dans un sourire éclatant. Les grands hommes politiques obéissent toujours à l’injonction du photographe : souriez, le petit oiseau va sortir. Le kitsch politique a besoin du sourire.
Ce sourire de l’homme politique est appelé par Kundera, dans « Le livre du rire et de l’oubli », « le sourire de l’ange ». C’est un sourire d’adhésion au monde, contrairement à l’ironie, qui est le rire du diable.
C’est ce sourire du président Kennedy que nous exigeons de M. Benzéma comme des membres des jeunesses communistes. Nous voulons lire sur leurs visages la joie d’être membre du groupe.
Le personnage de Ludvik, dans « La plaisanterie », autre roman de Kundera, voit sa vie dévastée par une seule remarque ironique. Pourtant, il vit dans une société pleine de sourire. En 1949, la société tchécoslovaque était « d’un sérieux rigide, avec ceci d’étonnant que ce sérieux n’avait rien de sombre, mais au contraire les dehors du sourire ; oui, ces années-là se déclaraient les plus joyeuses de toutes, et quiconque n’exultait pas devenait aussitôt suspect de s’affliger de la victoire de la classe ouvrière ou bien (manquement non moins grave) de plonger en individualiste au fond de ses chagrins intimes » (« La plaisanterie », Milan Kundera).

Prendre une balle pour l’équipe
Dans le mur de France-Suisse, M. Benzéma s’est comporté comme Ferdinand Bardamu, le personnage de « Voyage au bout de la nuit » de Céline, qui voulait à tout prix éviter de prendre une balle dans la peau pour la France pendant la grande guerre. Il s’est tourné, a levé le pied. But pour la Suisse. Inconsciemment, il a révélé au groupe qu’il préférait laisser l’adversaire marquer plutôt que recevoir un ballon dans le visage ou les parties.
Conclusion du procureur
Mesdames et Messieurs les jurés, contraignez M. Benzéma, par une peine exemplaire, à obéir à la demande du ministère public. Condamnez-le à chanter, puis, debout dans le mur, à poser ses deux mains devant ses coucougnettes et à sourir au ballon qui lui arrive dessus à pleine vitesse.
II) La plaidoirie de la défense
On nous refait le coup des procès de Prague
Mesdames et Messieurs les jurés, mais aussi jurés transsexuels (que le Procureur oublie), on utilise aujourd’hui contre mon client M. Benzéma les méthodes tchécoslovaques de 1952. A l’époque, les communistes avaient condamné à la pendaison ou à la perpétuité tous les cadres du parti communiste soupçonnés d’individualisme.
On leur demandait une auto-critique publique. Ce rite communiste imposait au « coupable » de déclarer lui-même publiquement ses fautes, son péché d’individualisme, puis de remercier le bourreau pour la juste sanction qu’il allait subir.

Les réseaux sociaux cousins des régimes totalitaires
Le procureur cite beaucoup Milan Kundera mais il oublie la grande leçon que Kundera nous a léguée : les mécanismes à l’œuvre dans les sociétés totalitaires sont présents à l’identique dans nos démocraties connectées. Besoin de couper les têtes qui dépassent, soif d’auto-critiques publiques, amour de la transparence ou lynchage en meute s’épanouissent aujourd’hui sur les réseaux sociaux comme à Prague en 1952.
Un buteur se doit d’être individualiste
M. Karim Benzéma est seul face à des mécanismes totalitaires terrifiants. On a beau savoir qu’un buteur, doit, d’une certaine manière être individualiste, on lui demande de ne pas le montrer, de se travestir. On lui demande de mentir. Cachez cet individualisme que nous ne saurions voir, M. Benzéma. Fondez-vous dans le troupeau. Bêlez en même temps que les autres moutons, et souriez.

Une grosse pression sur ses prestations sportives
Implicitement, l’accusation dit à M. Benzéma : gagnez la coupe du monde et soyez le meilleur buteur. Alors nous abandonnerons les charges qui pèsent sur vous. Une pression inacceptable qui n’est peut-être pas étrangère à sa triste prestation contre l’Equateur (mon client, perturbé, a confondu tirs et passes au gardien). Et d’ailleurs, même s’il permettait à la France d’être championne du monde, ce procès stalinien continuerait peut-être : Zatopek, le plus grand coureur de fond de l’histoire, a été banni dans son pays, la Tchécoslovaquie, malgré ses médailles d’or et ses records du monde. Il fut contraint à des années de métiers pénibles (éboueur notamment) pour une simple déclaration anti-russe pendant l’invasion de 1968.
Le dernier rebelle
En voulant maintenir sa liberté individuelle au pays de l’égalité, au pays du slogan « tous ensemble », M. Benzéma montre un immense courage. Il défie les médias, les réseaux, les éditorialistes. Ce dernier rebelle défend notre liberté à tous en refusant de se prosterner devant le veau d’or moderne, l’esprit d’équipe.
L’horreur de l’esprit d’équipe
Car quelle est cette obsession malsaine pour « l’esprit d’équipe » ? Qu’est-ce que cette «camaraderie » nous a apporté ?
Surtout des catastrophes.
Les vikings, débarquant « en équipe » pour détruire nos villages et égorger nos femmes et enfants. La main de Thierry Henry, contre l’Irlande. Les bolchéviques, une équipe très soudée, respectant les consignes strictes de Lénine et Staline, en tuant des dizaines de millions d’innocents.
A la fin de « Histoire d’un allemand », Sébastien Haffner raconte comment, dans les années 30, envoyé pendant plusieurs semaines en camp d’entraînement, comme tous les élèves magistrats, il a vu l’esprit d’équipe, qu’il appelle «l’encamaradement », emporter vers le nazisme ses camarades de promotion. Il parle du «bonheur à se fondre dans la masse», où l’on est dépouillé de la «pénible tâche de penser». Il raconte qu’«il a lui-même perdu pied et plongé dans le bourbier de la fraternité hilare». C’est cette même hilarité, Mesdames et Messieurs les jurés, que l’on veut imposer à mon client.

L’esprit d’équipe mène à tout, mais surtout au pire.
Les plus terribles décisions sont prises par esprit d’équipe, pour faire comme les autres, pour ne pas décevoir ses coéquipiers. «Viole cette fille, puisqu’on la viole tous, fais comme les autres ». « Allez, pique-toi, tout le monde le fait, on est une équipe, non ? ». « Lis ce livre de Paulo Cohelo, tout le monde le lit ».
M. Benzéma connaît l’histoire
L’esprit d’équipe, il n’en veut pas. Il sait que la morale ne peut être qu’individuelle. Il sait que l’intérêt du groupe, la camaraderie, conduisent à des actes immoraux et stupides. Le même homme qui rendra honnêtement une balle à son adversaire au tennis, mentira à l’arbitre de football par solidarité avec ses coéquipiers.
M. Benzéma ne veut connaître que des individus libres. Des gens qui prennent leurs propres décisions, qui chantent ou ne chantent pas la marseillaise, qui refusent de sourire béatement à un monde plein d’injustice. Il rejette les « team players » qui « appliquent les consignes », prêts aux pires horreurs pour montrer qu’ils font partie du groupe.
N’obligeons pas M. Karim Benzéma, un esprit libre, à disparaitre dans le moule conformiste.
Mettez fin à ce procès honteux, Mesdames et Messieurs les jurés, acquittez M. Benzéma.
Avocat de la défense:
Le sujet de la Marseillaise,quel débat intéressant et surtout si récent dans la longue existence de notre grande équipe de France (1904).
Curieusement du temps de Mr Platini la question ne se posait même pas et encore moins une quelconque polémique.
Je cite Mr Platini : « Je ne chantais pas La Marseillaise, personne ne la chantait à mon époque, c’était surtout les rugbymens. Je ne la chantais pas parce que c’était un hymne de guerre, alors que j’ai toujours pensé que j’allais jouer au football. […] Les paroles sont un peu violentes pour un footballeur.Ce n’est pas parce que tu ne chantes pas La Marseillaise que tu ne te sens pas profondément français ».
Pour quelles raisons Mr Zinedine Zidane n’a jamais été ennuyé par cette controverse nauséabonde lui qui ne la jamais chanté?
A partir d’un certain niveau technique au football les joueurs deviennent automatiquement de « vrais Français » comment ça se passe ?
Karim Benzema aura le droit à un passeport français si il gagne la CDM ou le Championnat d’Europe ?J’ai toujours cette impression lorsque l’on parle de Mr Benzema qu’il s’agit d’un Algérien en situation irrégulière et qu’il doit prouver son attachement à la France tous les jours.
Quand au sourire de ce dernier, on le voit beaucoup plus depuis qu’il enchaine les performances sous le maillot Bleu 9 buts et 4 passes décisives lors de ses 8 dernières sélections.
N’est ce pas la logique même de ne pas extérioriser des signes de joie ou d’épanouissement personnel lorsque vous ne marquez pas pendant 1222 minutes ?
Wayne Rooney 10 matchs de CDM sans marquer, vous l’avez trouvé enjoué ,ouvert à la blaguounette sur sa traversé du désert ?
Vous parlez du but contre la Suisse sur coup franc, revisionner le ralenti la balle passe à gauche de la jambe gauche de Benzema (jambe qui ne bouge pas sur l’action) et Matuidi se recule un peu donc ….votre analyse du sens du sacrifice de Benzema me semble plus que bancale.
Vous me parlez son individualisme Benzema en Champions League comme en CDM cette année c’est le meilleur buteur passeur, en champions 5 buts et 5 passes décisives et en CDM pour le moment en trois matchs c’est 3 buts et 2 passes décisives.
Dans l’affaire « Benzema le bouc émissaire » , Mesdames et Messieurs membres du jury, vous avez entendu les preuves.
Vous devez décider si l’accusé est coupable hors de tout doute raisonnable.
L’accusé est déclaré non coupable. Vous êtes libre.
Vous pouvez quitter la Cour…
J’aimeJ’aime