Le qui-perd-gagne, enfin une stratégie un peu aboutie dans le football

La prestation lamentable de l’équipe de France face à la Suède peut étonner, après sa brillante performance contre l’Ukraine. Tout s’explique si on prend un peu de hauteur, et que l’on pose un regard stratégique sur la compétition.

Nous avions la chance de jouer notre match en connaissant déjà le tableau final. Nous savions quelles équipes rencontreraient le 1er et le 2ème de la poule. Pour le 1er, c’était l’Italie puis sans doute l’Allemagne (si, comme il est probable, elle fait sortir la Grèce de l’Euro). Pour le 2ème, l’Espagne, puis le vainqueur de Portugal-République Tchèque. L’Espagne a longtemps fait figure d’épouvantail, mais sa courte victoire contre la Croatie a changé les choses, et elle est sans doute moins à craindre aujourd’hui que l’Italie. Et que dire de l’Allemagne comparée au vainqueur de Portugal – République Tchèque ? Nous avons nos chances contre l’une de ces deux dernières équipes, je suis beaucoup moins optimiste face à l’Allemagne.

Par conséquent il était évident dès le coup d’envoi qu’il était préférable de finir 2ème plutôt que 1er.

Or une défaite par 1 à 0 nous faisait terminer 2ème avec certitude, indépendamment du score de l’autre match de la poule, Angleterre-Ukraine. Soulignons qu’il est rarissime de pouvoir ainsi être certain de finir 2ème, nous étions donc dans une configuration assez particulière. Il aurait été absurde de ne pas en profiter, et à l’évidence c’est ce que Laurent Blanc avait décidé. Cela explique le comportement de la plupart de nos joueurs, cette stérilité offensive qui avait parfois du mal à être même crédible, et ces erreurs défensives qui elles par contre étaient plus en ligne avec les performances passées. Nos joueurs ont été très nettement en dessous de leur niveau, à l’exception de Lloris, qui n’a jamais aimé se prendre trop de buts, et de Ribéry, qui n’avait peut-être pas très bien compris les consignes.

L’application très soignée de cette stratégie nous a permis d’être longtemps menés 1 à 0, score idéal pour nous. Puis vers la fin, une fois qu’il était clair que l’Angleterre ne perdrait pas contre l’Ukraine, et que la qualification était donc acquise, nous pouvions impunément franchir un pas supplémentaire vers la médiocrité, d’où ce score de 2 à 0.

Pour la première fois dans une compétition internationale, nous avons donc vu à l’œuvre une vraie stratégie, consistant non pas à gagner bêtement le match pour la seule raison que c’est un match, mais à obtenir le résultat qui maximise nos chances d’aller plus loin dans la compétition.

Cette stratégie est une évidence. Et pourtant tous les spécialistes refusent de la considérer. Ils refusaient avant le match d’admettre qu’elle puisse être mise en œuvre, ils vont maintenant refuser d’admettre qu’elle l’a été.

Ils nient cette réalité pour la seule raison qu’ils croient ainsi défendre la noblesse du sport. Pour eux, ne pas chercher à gagner le match à tout prix revient à dévaluer le football. Or c’est une erreur grave : on enrichirait au contraire le football en lui ajoutant cette dimension stratégique. Ne nous contentons pas du jeu avec le ballon, voyons plus loin.

La Formule 1 a montré la voie avec des stratégies d’arrêt au stand élaborées avant le départ de la course, puis modifiées en fonction de son déroulement. Schumacher a gagné de nombreux Grands Prix non pas en dépassant ses adversaires sur le circuit, mais en gérant judicieusement le timing de ses changements de pneus. A l’opposé, Alonso a perdu le titre de Champion du Monde 2010 suite à une erreur stratégique dans les dernier Grand Prix, en rentrant au stand en même temps que Petrov qui le précédait et qu’il n’a jamais pu doubler par la suite.

Plus proche du foot, le basket donne de merveilleux exemples de décisions stratégiques à la fin des matchs les plus disputés. L’enchaînement des fautes volontaires et des lancers francs donne aux dernières minutes du match une dimension qui a renouvelé ce sport.

Pourquoi ne pas donner cette chance au football ? Pourquoi ne pas regarder les choses en face, et admettre que oui, parfois, il y a mieux à faire que de simplement gagner un match ?

La dernière Coupe du Monde nous en a donné un bel exemple, évidemment passé sous silence par les spécialistes officiels, qui dans un réflexe corporatiste prévisible ont voulu empêcher l’introduction de ce progrès dans le déroulement d’une compétition internationale. Seuls les chroniqueurs du Panthéon FC avaient relevé ce point, et analysé comme il le méritait le match Allemagne Ghana (dernière journée du groupe D). A la fin de ce match, compte tenu du score de l’autre rencontre du groupe, chacune des deux équipes avait intérêt à perdre afin de finir 2ème et de bénéficier d’un tableau plus clément. Que les dirigeants des deux équipes ne l’aient pas compris, ou qu’ils aient eu peur d’innover, le match s’est déroulé de manière tristement classique, alors qu’il aurait pu donner lieu à une confrontation d’un genre nouveau (lire).

Que nous disent ces conservateurs d’un autre siècle pour expliquer leur refus de laisser entrer la stratégie dans le monde du football ?

Leur premier argument est recevable. Ils nous disent en effet qu’il faut rester concentré sur son match, le jouer pour le gagner, et que si l’on commence à calculer on peut en perdre le contrôle et compromettre la qualification. Nous pouvons l’entendre. Mais il y a une solution : jouer le match à fond, le gagner, puis à 2 minutes de la fin se marquer à soi-même le nombre de buts requis pour obtenir l’écart souhaité. C’est assez facile, puisqu’à chaque but marqué contre son camp on récupère le ballon à l’engagement. Il suffit alors de lancer directement la balle au gardien, qui n’a plus qu’à la déposer dans son propre but, suivant une gestuelle originale qu’il peut chorégraphier à sa guise.

Ces obscurantistes avancent un autre argument qui est celui-là proprement irrecevable : ils nous disent que tout calcul est inutile, puisque pour gagner la compétition il faut de toute façon battre tout le monde. Est-il vraiment nécessaire de souligner à quel point c’est une ânerie ? Sur les 7 autres équipes participant aux quarts de finale, il suffira d’en battre 3 pour remporter le titre. Et la chance, ou l’incertitude du sport, peuvent faire en sorte qu’une équipe qui nous aurait battus soit battue par une autre, que nous battrons. Illustrons cette phrase incompréhensible par l’un des miracles de la Coupe du Monde 1998 : celui de l’Allemagne. Nous ne pouvons pas oublier qu’en 1982 puis en 1986, l’Allemagne nous avait éliminés au stade des demi-finales. Or en 1998, après l’Italie en quarts de finale, le tableau nous destinait à rencontrer l’Allemagne, encore une fois au stade des demi-finales. Obstacle qui paraissait infranchissable (l’euphorie de la victoire nous l’a fait oublier, mais à l’époque l’équipe de France n’inspirait pas une grande confiance à ses supporters). Miracle, l’Allemagne est battue par la Croatie. Puis nous éliminons la Croatie grâce à deux buts de Thuram (autre miracle).

Aurions-nous battu les Allemands ? Nul ne le saura jamais, mais ce qui est certain c’est que nous n’avons pas eu à le faire pour gagner. De même que nous ne les avons pas battus en remportant l’Euro 2000. A chaque fois cet obstacle redoutable a été absent de notre parcours, et cela n’a donc aucun sens de dire qu’il faut battre tout le monde. Autre exemple moins prestigieux : le FC Metz a remporté la Coupe de France en 1988 en n’ayant rencontré (et battu) que des clubs de Division 2. Donc a priori plus faibles que des clubs de Division 1.

Donc non, il ne faut pas battre tout le monde, il faut battre les seuls adversaires auxquels on est opposé. Qu’on excuse cette lapalissade, mais comment répondre autrement à des propos aussi éloignés de la réalité ? Et une fois ce constat établi, on comprend qu’il est naturel de faire en sorte de ne pas rencontrer les adversaires le plus redoutables.

Comme bien des stratégies nouvelles, celle-ci apparaît donc absolument évidente une fois énoncée clairement. Et pourtant elle ne sera mentionnée nulle part dans la presse. Laurent Blanc n’avouera bien sûr jamais avoir délibérément recherché la défaite, et j’ai expliqué pourquoi la corporation dans son ensemble ne pouvait que rejeter cette innovation. Cela n’empêchera pas Panthéon-Foot de promouvoir cette stratégie de la défaite volontaire, que le Panthéon FC met parfois en oeuvre dans ses propres matchs, pour des raisons que nous laisserons dans le flou.

17 commentaires

  1. Post intéressant mais je ne conçois pas une équipe s’enfiler 3 buts à la fin d’un match pour avoir le résultat qui l’arrange.
    1/ Il ne faut pas oublier que les joueurs sont des compétiteurs et perdre un match volontairement c’est une presque une faute professionnelle
    2/ Cela laisse la porte ouverte aux matchs arrangés, aux paris frauduleux et aux matchs sans intérêt. L’Espagne et la Croatie aurait pu s’arranger pour faire 2-2 et sortir l’Italie. Si cela avait été le cas pourquoi regarder le match ?!
    3/ C’est un raisonnement cynique. Les lancers-francs de fin de match au basket équivalent aux fautes à 70m à la fin d’un match de foot ou aux gains de temps sur les touches, remplacements,… Perdre un match volontairement c’est un autre niveau
    4/ A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire !

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  2. L’analyse est un peu douteuse: autant le fait d’intégrer de la stratégie dans la phase de poule me semble cohérent mais le reste de l’analyse est totalement absurde car elles se basent sur des postulats qu’on ne peut pas prouver et qui me semblent bien illogiques:

    -il vaut mieux rencontrer l’Espagne que l’Italie-> l’Espagne a régulièrement corrigé la France ces dernières années avec une équipe qui a peu changé, championne du monde et d’europe en titre, n°1 au classment FIFA (Italie 12eme)

    -il ne faut surtout pas rencontrer l’Allemagne mêmesi elle a été corrigée il ya quelques mois à peine par l’équipe de France car cette équipe est vraiment la plus forte ( souvenez vous:1982, 1986 …. hello on est en 2012!!)

    Pour finir sur une note personnelle, je trouve ça un peu exaspérant les gens qui pensent avoir tout compris et sont prêts à tordre des éléments et les sortir de leur contexte pour appuyer leur raisonnment (Allemagne 1982, 1986 un peu comme si les analystes expliquaient/avaient prévu les bons résultats de l’Uruguay en Afirque du Sud sous pretexte qu’elle a remporté la coupe du monde 1930 et 1950-> c’est totalement hors sujet).

    Bref je ne suis pas Laurent Blanc et je ne suis pas téléphate mais apparemment ce n’est pas le cas de tout le monde ici !!

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    1. Effectivement les demi-finales de 1982 et 1986 sont loin. Mais peut-on réellement prendre en compte le match amical gagné contre l’Allemagne ? Je pense qu’il faut plutôt regarder les matchs de poule, et incontestablement l’Allemagne a fait grande impression.

      Quant aux valeurs relatives de l’Espagne et de l’Italie, leur match nul nous permet de penser qu’elles ne sont pas très différentes.

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  3. 100% d’accord sur cette analyse de la stratégie de l’Equipe de France (le carton jaune de Mexes aurait également pu être mentionné: les Italiens le connaissent trop bien, il était donc nécessaire qu’il ne puisse pas participer au quart de final).

    Cependant un match se joue à deux équipes et je m’interroge donc sur la stratégie de la Suède. Comment expliquer un tel engagement physique et technique de la part d’une équipe déjà éliminée ? Volonté d’aider l’Ukraine à se qualifier (après tout ils partagent bien les mêmes couleurs) ? Simple geste d’arrogance d’Ibrahimovic (montrer au monde entier qu’il peut battre la France à lui tout seul, uniquement en marchant sur le terrain et en tentant quelques bicyclettes) ?

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    1. Et d’ailleurs, pour tous qui veulent bien croire a un trucage volontaire. Non. Les derniers matchs de poules sont organisés justement de façon a ce qu’il n’y ai aucune « entente » entre des équipes puisqu’elles jouent en même-temps.
      Développer une théorie du complot a partir du résultat de la France est profondémment ridicule. Certains passages sont juste pas croyables, encore une fois un article de bas étages. Dans la continuité de la médiocrité des analystes sportifs en France. une analyse complètement a coté de la plaque, incapable d’identifier les vrais problèmes, c’est triste.

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  4. Vraiment n’importe quoi. Il aurait fallu terminer 1er pour avoir des chances d’aller plu loin. Contre l’espagne nous n’avons aucune chance.

    C’est bien beau de parler de stratégie mais ça ne s’applique pas dans ce cas là !

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    1. Éric –> Te donner tort sur un pronostic si certain est peut-être la seule raison qui me poussera à supporter la France au prochain match !
      En ce qui concerne l’article, je le trouve tiré par les cheveux, surtout la fin où c’est vraiment une invitation aux matches truqués (il y a une différence entre ne pas jouer le jeu à fond et se mettre trois but en fin de match quand même!), mais c’est pourtant l’analyse qui me paraît la plus cohérente quand je vois le coatching absurde d’hier soir… Je pense que les espagnols n’ont qu’à bien se tenir, la France montrera surement un tout autre visage contre eux, il y aura beaucoup plus d’envie (à part Ribéry, qui joue invariablement de la même façon, cad bête comme ses pieds mais qui court tellement vite avec un ballon!)

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  5. Bravo. Brillante analyse. Une nouvelle fois pantheon foot sort des sentiers battus et dit haut et fort ce que tout le monde pense tout bas.
    C’est evidemment une strategie. Car le principe est bien de gagner. Pas de participer. Autrement dit, on pefere bien sur gagner en jouant mal (ou en faisant semblant de jouer mal dans le cas present) que perdre en jouant bien.

    Etant amateur de koh lanta, je suis particulierement frappe par la justesse du propos. Le parrallel est clair. Dans koh lanta, le vainqueur est rarement le plus fort ou le plus resistant, mais c’est celui qui fait preuve de strategie.
    Donc il faut faire preuve de strategie dans la vie. Et ne pas s’en laisse compter.

    En plus une victoire a l’euro, beaucoup plus probable aujourd’hui, nous permettrait de retrouver quelques points de croissance et c’est en effet ce qu’il faut: de la croissance.
    Merci Laurent Blanc. Et merci egalement a Gilbert Gresse pour sa remarque pertinente sur le carton jaune de Mexes.

    Polanski

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  6. Analyse parfaite d’un resultat que l’on aurait pu prevoir a l’avance : en effet , l’EdF a beneficie durant les deux jours precedant le match d’ articles dithyrambiques de l’ Equipe . Statistiquement , c’est une defaite a suivre . Dont acte .

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    1. Merci Olivier K, très bonne analyse. Si on vous suit, nous ne devrions faire qu’une bouchée de l’Espagne, puisque la France se fait maintenant détruire pas tous les médias. Je sens bien un petit 5-0, 4 buts de Nasri.

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  7. Laurent Blanc est un tacticien aguerri. Depuis qu’il a ete victime d’un simulacre de faute lors de la demi finale face a la Croatie et s’est vu ainsi prive de finale, il a decide de ne plus s’en laisser conter. Son chemin vers une finale d’une competition internationale ne doit plus soufrir une part d’alea qui ne peut rigoureusement etre amoindri par un plan ne laissant rien au hasard.
    D’aucuns pensent que c’est un sentimental et qu’il marche a l’affectif. N’avait-il pas pour habitude de deposer un doux baiser sur le crane non moins rayonnant de notre dernier rempart avant l’echaffaud?
    Cette perception est bien sur premeditee et le fruit d’une reflexion ad-hoc. Elle a pour but de brouillerles esprits et d’endormir nos futurs adversaires sur le vrai visage et la puissance de la reflexion de l’entraineur de l’equipe de France.
    Son plan de jeu face a la Suede, devoile dans toute sa finesse ici, n’en est que plus limpide et montre la force de son analyse qui fort heureusement echappe au plus grand nombre et notamment a nos adversaires
    Esperons qu’il n’y a pas parmi les lecteurs de Pantheon FC de supporters espagnols susceptibles d’alerter les sangs et or sur le coup de Trafalgar que leur a concocte notre amiral et surtout j’implore Pantheon FC de ne pas donner davantage d’indications sur la strategie retenue pour le tour a venir et les suivants (les notes d’avant match et l’explication de l’episode suedois en disent deja longs; devoiler d’autres facetttes des plans de notre entraineur pourraient en attenuer l’effet de surprise et l’efficacite qui nous ont si bien servis jusqu’ici).

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  8. Et donc, même les embrouilles de vestiaires entre HBA et Blanc étaient prévues, de même qu’entre Nasri et le reste de l’équipe… histoire de rendre encore plus crédible la thèse de la défaite pas faite exprès…
    Du grand n’importe quoi.
    Et Blanc qui déclarait que jouer l’Italie aurait été préférable, c’est aussi pour mieux brouiller les pistes?

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  9. L’article le plus comique de l’année ( j’espère qu’il vous a permis de faire un peu de buzz a l’express ). Vous avez oublié la stratégie des arrêts de Lloris ( oui, oui, c’était une mis en scène ) et le magnifique orage contre l’Ukraine ( préparé a l’avance ). Vous avez raison, on peux en rire aussi…

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