Le système d’arbitrage vidéo, tel qu’il est utilisé dans le championnat anglais, a introduit une nouvelle forme d’injustice et il a eu un rôle décisif dans la victoire de Liverpool à Chelsea (1-2) ce dimanche.
Après l’ouverture du score par Liverpool, Chelsea a cru égaliser sur un but d’Azpilicueta à la 27ème minute. Malheureusement la VAR en a décidé autrement en débusquant un hors-jeu millimétrique plusieurs passes en amont de l’action.
Quasiment dans l’enchaînement, à la 30ème minute, l’arbitre siffle une faute imaginaire en faveur de Liverpool sur le côté de la surface de réparation adverse. Sur le coup franc Liverpool marque son deuxième but.
Liverpool remportera ce match 2-1, l’éblouissant Ngolo Kanté réduisant l’écart d’un but sublime à vingt minutes de la fin du match.

Malheureusement pour Chelsea ses coéquipiers ne sont pas à son niveau.
Nous ne rejetons pas la VAR (Video Assistant Referees) dans son ensemble. Il ne faut pas oublier le rôle qu’elle a joué dans notre victoire à la Coupe du Monde 2018. Qu’elle annule des buts entachés d’une faute dans l’action finale, oui. Qu’elle permette de donner une certitude au moment de siffler un pénalty, tant mieux. Qu’elle arrive en soutien de l’arbitre dans les moments cruciaux, c’est ce qu’on lui demande.
Mais l’annulation du premier but de Chelsea sort de ce cadre. Le hors-jeu sifflé rétroactivement ne concerne pas le buteur, ni même le passeur décisif. Il intervient largement avant, sur une longue transversale qui est certes efficace, mais qui est loin d’être décisive dans l’action. Elle n’est pas de ces passes qui déséquilibrent une défense et les adversaires n’ont d’ailleurs pas réclamé de hors-jeu à ce moment (ajoutons que le hors-jeu est extrêmement ténu).
Et s’il s’agit de s’assurer, avec la VAR, que toute l’action qui a mené au but est parfaitement licite, alors il aurait fallu aussi examiner de près le coup franc qui amène le deuxième but de Liverpool. Ce coup franc est nettement plus décisif que la transversale que je viens d’évoquer. Il est situé sur le côté de la surface de réparation, c’est une occasion de but évidente. Or il n’est venu à l’idée de personne de demander rétroactivement la validation du coup franc à l’origine du but.
La VAR introduit donc une inégalité de traitement dans les actions qui amènent les buts. Et donc des injustices. Or c’est justement ce que doit éviter un système d’arbitrage.
On peut regretter que la VAR vienne annuler le moment quasiment orgasmique qu’est le but victorieux. C’est déjà arrivé très souvent et ceux qui ont vu le quart de finale de Coupe d’Europe Manchester City – Tottenham se souviennent de ce but victorieux pour City, longuement fêté par les joueurs et le stade, mais finalement annulé pour un hors-jeu là encore très peu décisif.
Cet ascenseur émotionnel est douloureux à vivre. J’ajoute que la remise en cause potentielle de chaque but empêche même de profiter pleinement de ce moment de bonheur, la menace d’annulation étant présente même lorsque l’action semblait claire.
On peut accepter cet aspect négatif si la VAR apporte plus de justice. Mais ce n’est pas le cas et cette manière de remonter aussi loin dans l’action, sans remettre en cause la décision de donner un coup franc (ou un corner) apporte au contraire une nouvelle forme d’injustice.
Une solution consisterait à ne pas revoir l’ensemble de l’action qui a mené au but mais uniquement les tout derniers gestes. Réservons l’annulation des buts, et ses désagréments, aux cas vraiment nets concernant les gestes décisifs de l’action. Ne revenons pas en arrière jusque dans la préparation de l’action finale, dans une phase de jeu qui n’était pas décisive.
La VAR constitue peut-être un progrès pour le football, mais comme toutes les innovations il faut avant tout en maîtriser les aspects négatifs. Il faudra pour cela que les instances arbitrales définissent plus précisément son mode de fonctionnement et en particulier les limites des vérifications rétroactives.