Tout ne s’explique pas. En tout cas pas cette défaite.

Après chaque match les commentateurs éprouvent le besoin de trouver des explications au résultat. Et plus le résultat est remarquable plus cette explication doit être déterminante. Cette étrange obsession a deux raisons d’être.

La première est propre au rôle du commentateur : il perdrait la face en écrivant que cette catastrophe (ou ce miracle) est due au hasard, à la chance, à l’inexplicable. Il se doit de comprendre l’origine d’un tel phénomène. La deuxième est plus générale : un événement extraordinaire est facilement déconcertant et il est rassurant d’en trouver les racines. Cela évite de se sentir balloté par les hasards de la vie, c’est humain.

Les anciens attribuaient leurs tourments à la colère des Dieux. Les commentateurs sportifs leur auraient donné d'autres explications.
Les anciens attribuaient leurs malheurs à la colère des Dieux.
Les commentateurs sportifs leur auraient donné d’autres explications.

Cette finale perdue présente une dimension tout à fait particulière en raison de l’enjeu (remporter un titre international au Stade de France) mais aussi parce que le Portugal était réputé plus faible, et que nous venions d’éliminer l’Allemagne. C’est une surprise tout à fait déconcertante, il est donc urgent de lui trouver une explication indiscutable.

Pour ce faire certains vont au plus facile : ils prennent un aspect marquant de la gestion d’équipe de Didier Deschamps et décident que là se situe la clé du résultat. Exemple simple : les nombreux changements tactiques effectués au cours de la compétition. Puisque nous avons perdu, ces changements n’ont pu être que néfastes et les analystes parleront donc de tergiversations qui ont déstabilisé l’équipe et l’ont privée de la continuité nécessaire au succès.

Visiblement Deschamps n'a pas d'idée très précise sur la compo de son équipe. Limite il s'en fout.
Visiblement Deschamps n’a pas d’idée très précise sur la compo de son équipe.
Limite il s’en fout.

Ceux qui nous lisent connaissent déjà notre point de vue : si les deux équipes sont de niveau comparable (comme par exemple le Portugal et la France) la chance, l’incontrôlable, l’inexplicable ont une part prépondérante dans le résultat final.

Cette finale en offre un bon exemple avec le poteau touché par Gignac dans les dernières secondes des arrêts de jeu. Si son tir est 2 cm plus à droite la balle rentre. S’il est 1 cm plus à gauche la balle rebondit plus à l’intérieur du terrain et trouve Griezmann pour marquer dans le but vide. Or 1 ou 2 cm pour un tir dans ces conditions, quel que soit le talent du joueur, c’est du domaine de l’incontrôlable.

Si le ballon rentrer Deschamps est un génie incontestable. Le ballon n'est pas rentré, cela ne change rien à ses qualités.
Si le ballon rentrer Deschamps est un génie incontestable.
Le ballon n’est pas rentré, cela ne change rien à ses qualités.

Je réponds par avance aux lecteurs qui me diraient que ces 2 cm ne sont que la différence entre un bon joueur et un très bon joueur, et qu’il n’y a pas de place ici pour le hasard. A ceux-là je rappellerai le début de la finale de 2006 : Zidane marque son pénalty d’une Panenka qui vient heurter la transversale et ne rebondit que de peu derrière la ligne (au point que Buffon a un instant le réflexe de contester que la balle soit rentrée).

Zidane a-t-il délibérément choisi de toucher le bas de la transversale ? Ce garçon est parfois surprenant mais il sait où le ballon doit aller. Son intention était de viser sous la barre, et les quelques centimètres qui font que la balle heurte la transversale sont du domaine de l’incontrôlable, du hasard.

Or Zidane a tout son temps pour tirer, il effectue son geste sans précipitation, à l’opposé de Gignac qui est entouré d’adversaires et doit tirer le plus rapidement possible. Ajoutons que Zidane c’est Zidane. Si lui ne peut pas ajuster un tir à 2 cm près dans ces conditions, personne ne peut. Cette imprécision est donc du domaine de la chance.

La Panenka de Zidane est à deux doigts d'être ratée. Zidane n'était pas très raisonnable ce soir là.
La Panenka de Zidane est à deux doigts d’être ratée.
Zidane n’était pas très raisonnable ce soir là.

Par conséquent nous avons bien ici intervention du hasard. Le hasard ne fait pas tout, mais il contribue au résultat. Ici il a fait que le poteau intérieur est sortant et non pas rentrant. Il a donc eu sa part dans cette défaite, une part déterminante.

Si le hasard en avait décidé autrement, si Gignac avait marqué le but de la victoire à la 92ème minute, tout ce que l’on peut reprocher aujourd’hui à Deschamps serait vu au contraire comme ayant contribué à la victoire. Personne ne parlerait de ses tergiversations tactiques, tout le monde louerait au contraire son sens de l’adaptation, sa capacité à changer son schéma d’équipe en fonction de la situation, avec pour sommet de son génie le coaching gagnant et la rentrée décisive de Gignac.

De même, on dit que les choix du Portugal étaient les bons, qu’il a choisi de résister pour profiter de sa supériorité physique en fin de prolongations, on loue sa maîtrise tactique, son courage. Mais si l’immaîtrisable avait mis le ballon de Gignac un centimètre à droite, on dirait au contraire que le Portugal était trop limité, trop défensif, qu’il n’a rien tenté et ne méritait pas de gagner. Dans les deux cas, on a ou on aurait tort : c’est bien le sort qui a décidé le sens du match.

Nous avons perdu mais il est possible que Deschamps ait, en chaque occasion, effectué les meilleurs choix. Peut-être a-t-il mis toutes les chances de notre côté, mais que dans le football, comme dans la vie, ça ne suffit pas.

Le sélectionneur national accepte de faire un selfy avec un journaliste débutant. Il est vraiment sympa.
Le sélectionneur national accepte de faire un selfy avec un journaliste débutant.
Il est vraiment sympa.

 

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