Coupe du Monde : non au libre arbitre

Pantheon-Foot l’a souvent affirmé : il est regrettable que dans de nombreux matchs l’arbitre joue le rôle d’un aléa, parfois décisif. Il devrait être une constante, un simple élément constitutif du jeu, invariable comme le sont par exemple les dimensions de la surface de réparation, la largeur des buts ou la forme des poteaux (on ne les imagine pas carrés, par exemple).

De l’importance d’être constant

L’arbitre devrait faire appliquer les règles de la même façon à chaque match. Ce serait un premier pas vers une certaine forme de justice. Un deuxième pas serait ensuite que ces règles ne soient pas grotesques, mais c’est un autre débat que nous avons déjà abordé ici.

Le premier problème est évidemment la manière dont l’arbitre prend connaissance des faits. Il voit certaines fautes, d’autres lui échappent, la vidéo ou des arbitres supplémentaires remédieront peut-être un jour à ce problème. En attendant le problème de la perception visuelle qu’ont certains arbitres des faits de jeu sera abordé avec plus de pertinence dans des publications médicales que dans nos colonnes.

Une étape à ajouter dans la formation de nos arbitres.

L’objet de nos réflexions ici sera plus strictement la manière uniforme dont devraient être appliquées les règles, une fois que l’arbitre a identifié une faute. La moindre des choses serait en effet que, d’un match à l’autre, les mêmes causes aient les mêmes effets. Or il est clair que ce n’est pas le cas.

La double peine pour une faute dans la surface : une règle qui devient encore plus inique quand on ne l’applique pas

Si je ne devais citer qu’un exemple de ces interprétations variables, je prendrais la règle du carton rouge pour une faute commise par le dernier défenseur. Cette règle spécifique voulait viser celui qui annule délibérément un but « tout fait » mais telle qu’elle est écrite elle s’applique aussi aux fautes qui relèvent plus de la maladresse. Elle vaut donc au goal qui rate son intervention et fauche involontairement l’attaquant, en plus de l’indiscutable pénalty, un carton rouge automatique. Devant l’excessive sévérité de cette règle, listée par Panthéon Foot parmi les plus iniques de notre sport, certains arbitres décident parfois de ne pas l’appliquer, et de n’infliger qu’un carton jaune. Ce comportement paraît honorable car teinté d’humanité, mais il a le défaut de n’être pas suivi par l’ensemble des arbitres, de créer des inégalités de traitement, et donc des injustices.

Un arbitre pourra considérer que Victor Valdes commet là une maladresse involontaire qui ne mérite pas le carton rouge. Surtout si l’adversaire a survécu.

Une autre règle induit pareillement des injustices, mais pour la raison qu’au contraire elle n’est généralement pas appliquée. Il s’agit de l’interdiction du tirage de maillots dans la surface lors des corners. Une règle interdit évidemment cette pratique mais les arbitres ne l’appliquent pas. Par conséquent sur les matchs un peu disputés chaque corner est l’occasion de dizaines de fautes qui mériteraient d’être sanctionnées par autant de penaltys et qui ne le sont pas. On voit ainsi des attaquant être neutralisés d’une manière qui n’est même pas autorisée au rugby (puisqu’ils sont plaqués sans ballon). On comprend qu’il soit difficile pour un arbitre d’aller contre cette coutume : le premier qui sifflera une telle faute subira les réactions violentes, et sincèrement étonnées, des joueurs sanctionnés. Et, loin de recevoir l’approbation des commentateurs, il rencontrera leur incrédulité, sur le thème « Si on siffle ça il y a 10 pénaltys par match ».

Le tirage de maillot, moins aléatoire que les tirs au but

Donc c’est impunément qu’on tire les maillots dans la surface. C’est bien dommage mais au moins c’est pareil pour tout le monde. Les dirigeants de la FFF tentèrent d’aller contre cette triste coutume il y a quelques années en donnant aux arbitres de L1 la consigne de sanctionner cette pratique. Bonne idée. Certains exécutèrent les ordres, et quelques clubs, dont le PSG de l ‘époque, furent ainsi légitimement sanctionnés de plusieurs pénaltys, mais ce changement de doctrine ne fut que passager. Les sanctions cessèrent et le tirage de maillot dans la surface redevint une pratique tolérée.

Mancini montre à Balotelli comment tirer proprement le maillot d’un adversaire.

L’inconstance des arbitres n’a pas pour seule conséquence des inégalités de traitement entre les matchs, elle a aussi comme effet secondaire d’induire des comportements déviants chez les joueurs (et pas que chez les joueurs d’Evian). Ainsi, lorsqu’un joueur est victime d’une faute, on voit presque systématiquement ses coéquipiers réclamer à l’arbitre un carton jaune, ou rouge, pour celui qui l’a commise. S’ils avaient la certitude que l’arbitre se contenterait de suivre aveuglément un barème sans jamais y déroger, ils abandonneraient vite cette manie. Mais ils savent au contraire que tout est possible, ils tentent donc d’obtenir cette sanction, le plus regrettable étant qu’ils y arrivent assez souvent. Je risque une comparaison avec le rugby : on n’y voit quasiment jamais de joueur réclamer une sanction pour un adversaire. La raison vient sans doute de ce que les arbitres de rugby sont réputés ne jamais revenir sur leurs décisions.

Les arbitres ne sont pas toujours assez solides pour résister à la pression

Ces gesticulations pour influencer l’arbitre sont une véritable plaie pour le football. Alors qu’il aurait besoin de la plus grande sérénité pour prendre rapidement des décisions difficiles, l’arbitre est l’objet d’un harcèlement permanent, chacun de ses coups de sifflet est contesté. Cette pression permanente qu’il subit est une gêne évidente pour lui, et l’éliminer lui permettrait sans doute d’arbitrer avec plus de clairvoyance. Pour que cela cesse, il devrait agir comme une machine, n’être doté d’aucun pouvoir d’interprétation, se contenter d’appliquer de manière automatique un corpus réglementaire intangible. Les joueurs finiraient par comprendre qu’ils perdraient leur temps à essayer de fléchir les décisions de cet automate et tout le monde y gagnerait.

Ballack manque de retenue face à Tom Henning Ovrebo. Il est vrai que celui-ci a battu le record du monde de l’iniquité lors de cette demi-finale retour Chelsea – Barcelone en 2009

A la lumière de ces quelques réflexions de bon sens, une solution semble s’imposer : il devient à peu près évident que le remplacement des arbitres par des robots doit être envisagé. On réglerait d’un même coup la question de l’uniformité et celle de l’invariabilité. Ce sont les mêmes décisions qui seraient prises sur tous les terrains, et il serait impossible de les remettre en cause. Ces scènes de contestations si pénibles disparaitraient. A ces indiscutables avantages on pourrait facilement ajouter, avec des outils de traitement d’image assez basiques, la possibilité de situer facilement le ballon par rapport au but, ou de juger d’une position hors-jeu sans hésitation. Alors que pour les tenants de l’arbitrage vidéo la solution se trouve dans une régie où un arbitre supplémentaire jonglerait avec les prises de vue d’une dizaine de caméras sous la pression de l’urgence, notre robot disposerait de manière instantanée des conclusions d’un système de mesure incontestable. Les révélateurs utilisés par les chaînes de télé ne serviraient plus qu’à nous faire comprendre comment nous avons pu être abusés par l’image à vitesse réelle, la décision arbitrale devenant la référence à force d’être toujours la bonne.

Voici peut-être l’arbitre du futur. Qui aurait envie de contester sa décision ? Ou de lui dire qu’il s’est trompé de ballon ?

La vidéo paraîtrait alors un outil bien désuet, limite artisanal, et on comprendrait enfin pourquoi Platini s’y opposait : pour proposer d’un seul coup un bon technologique bien supérieur. Une fois de plus il aurait pris tout le monde à contre-pied. Il est vraiment trop fort.

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