La profondeur de pensée de Patrice Evra et Milan Kundera

On se moque d’Evra. Il ne parlerait pas comme un étudiant de Sciences Po. Ses arguments seraient idiots. C’est tout simplement le mépris de classe qui s’exprime. Evra n’a pas eu la chance de naître avec une cuillère en or dans la bouche et des parents normaliens*. S’il n’a pas les outils pour présenter sa pensée comme dans un oral de l’ENA, ses idées se révèlent passionnantes et profondes, si l’on arrête notre rire bourgeois, pour l’entendre enfin sérieusement.

Evra, comme Kundera, critique l’insoutenable superficialité de la sphère médiatique

Evra le dit, « la presse n’est pas le peuple ». Il parle d’or.

Patrice Evra répète, probablement sans le savoir, le geste magnifique du Professeur Avenarius, personnage du roman de Kundera, L’immortalité. Ce dernier remet à l’improviste un diplôme d’Âne Intégral à un journaliste de radio célèbre et imbu de lui-même, Bertrand Bertrand. Bertrand Bertrand dit le vrai. Il représente l’essence du quatrième pouvoir. Ceux qu’il interviewe doivent se plier à ce que Kundera appelle le onzième commandement « tu ne mentiras point aux journalistes ».

Lorsqu’il reçoit, par surprise, son diplôme d’Âne Intégral, Bertrand Bertrand, qui devrait pourtant ignorer Avenarius, un inconnu visiblement à moitié fou, sombre au contraire dans la dépression. Il sent peut-être au fond de lui que l’original Avenarius n’a pas tout à fait tort : il mérite son diplôme.

Si Evra est Avenarius, Lizarazu est Bertrand Bertrand.

Les consultants à qui Patrice Evra a remis dimanche leurs diplômes d’Ânes Intégraux ressentent peut-être la même chose que Bertrand Bertrand aujourd’hui. Compatissons.

Bertrand Bertrand ?
Bertrand Bertrand ?

Evra, comme Kundera, sait que « tout sera oublié, rien ne sera réparé »

Knysna ! Knysna ! Evra, qui a déjà écopé d’une suspension, le dit : si les médias ne parlaient pas sans cesse de Knysna, tout le monde aurait oublié. Comme dans La plaisanterie de Kundera, l’oubli jouerait le rôle de la réparation.

Les médias empêchent l’oubli de jouer son rôle nous dit-il.

Tout le monde se souvient de l’endroit où Sarkozy a dîné le soir de son élection, mais où a donc dîné Hollande cinq ans plus tard ?

Dans le livre merveilleux d’Eric Marty « Bref séjour à Jérusalem », une partie intitulée « Jean Genet à Chatila » nous rappelle un fait troublant. Tout le monde se souvient du massacre de palestiniens dans le camp de Chatila, en 1982, par des milices chrétiennes, alliées aux israéliens à l’époque. Mais personne ne se rappelle un autre massacre, au moins aussi sanglant, que subirent les palestiniens de ce même camp, en 1985, des mains de factions chiites. Pourtant, le massacre de 1985 avait lui aussi eu droit à l’ouverture du journal télévisé d’Antenne 2. Seulement voilà, on n’a plus jamais reparlé du second massacre, alors que l’on ressasse le premier depuis trente et un ans.

La mémoire a besoin de répétitions. L’oubli est trop fort.

Cet exemple illustre la profondeur des propos d’Evra.

Les palestiniens ont-ils pardonné aux milices chiites ? Certainement pas, mais ils ont oublié.

 

« Le rôle de la réparation (et par la vengeance et par le pardon) sera tenu par l’oubli. Personne ne réparera les torts commis, mais tous les torts seront oubliés. »

Milan Kundera, La plaisanterie

« C’est une bêtise qu’on a fait ! On a été des enfants. Mais on va en reparler jusqu’à quand ? On va en reparler jusqu’à quand de ça ? »

Patrice Evra, TéléFoot

* A noter que la plupart des gens qui sont nés avec une cuillère en or dans la bouche, mais sans parents normaliens, c’est à dire presque tous, s’expriment aussi mal qu’Evra ; cela ne les empêche pas de ricaner, le mépris de classe n’a rien à voir avec l’éducation.

16 commentaires

  1. Comparez ce qui est comparable!!!!
    Vous opposez un evenement politique et criminel grave a des mots, mal venus, d un sportif en mal de reconnaissance.
    Il n est, n a pas ete et, ne sera jamais un philosophe.
    Ceci etant dit….ca reste un non evenement

    J’aime

  2. Outre le fait évident que vous frimez, bien certes, mais cela reste de la frime… j’hésite entre malhonnêteté, idiotie pathologique ou sens de l’humour très développé. Mépris de classe? mais ne peut-on imaginer que ce soit vous précisément qui ayez un problème? visibilité médiatique? argent? Auriez vous peur d’affirmer que vous pensez que ce joueur est un abruti? Craindriez vous que l’on vous fasse un procès « en sorcellerie »? Le fait d’être richissime confère t-il de l’intelligence ou de la « profondeur »? et surtout si une certaine forme d’intelligence que je qualifierais de motrice est vraisemblablement nécessaire pour arriver à ce niveau sportif, je ne saisis pas vraiment le lien entre les pieds et une profondeur de pensée digne de Kundera. Allez, votre humour au 3ème ou 4ème degré est très fin…

    J’aime

  3. Remettons les choses dans l’ordre. Monsieur Evra a un comportement de voyou , point. Nous sommes très nombreux à ne pas être né avec une cuillére en or dans la bouche, là n’est pas le problème. Parmis cette grande famille, certains ont eu des parents attentifs à leur éducation et ce comportent donc correctement. D’autres sans avoir eu cette chance, ce comporte bien naturellement également. Donc, je ne trouve aucune excuse pour Monsieur Evra, quelqu’un qui a un language de voyou n’a aucune excuse, né ou non avec une cuillére dans la bouche.

    J’aime

  4. Il n’y pas à naître avec une cuillère en or dans la bouche et des parents normaliens pour apprendre la langue de molière. Je connais un grand nombre de prolétaire qui la maîtrise parfaitement car justement c’est la seule richesse que l’on peu acquérir gratuitement ou presque. Monsieur Evra a largement les moyens financiers pour surpasser tous le monde en la matière. Mais pour cela il faut oublier son nombril et faire preuve de bon sens pour vouloir apprendre.

    J’aime

  5. @mama13: bonsoir mama… :)) La liberté d’expression malheureusement pour lui est interdite… Ces journalistes ont le droit de le rabaisser, mais lui n’a pas le droit de répondre… Le minimum lorsqu’on critique c’est d’accepter la critique… La France, comme dit Anelka, est un pays d’hypocrite…
    La liberté d’expressions va que dans un sens… Au nom de la liberté d’expression on a le droit de se moquer, de rabaisser et critiquer toujours les mêmes…

    J’aime

  6. Lisez d’abord Kundera,et repensez à cette très petite affaire (nous sommes dans l’ère du buzz marchand).Les médias,même critiqués sont heureux de vendre…Je ne défends pas du tout P.Evra,mais de là à le traiter de voyou… Quelle vanité de se croire maitre penseur !…

    J’aime

  7. Franchement tout ceci pour quoi ? Il a le droit de critiquer et de s’exprimer avec la manière ou non , le seul tord qu’il a eu c’est les menaces qu’il a proféré comme un branleur…..

    J’aime

  8. M’ouaaaais. Thuram était aussi un grand philosophe.
    Bedos, un député, un attaché parlementaire insultent des femmes: mais c’est de l’humour qu’on n’a pas su saisir.
    Penser que les Français puissent oublier Knysna si les journalistes n’en parlaient, c’est qu’il n’a toujours pas pris la mesure de la faute et du traumatisme qu’elle a engendré.

    J’aime

  9. Osée la comparaison entre un joueur de football et la massacre des palestiniens, dont vous mélangez les causes ceci dit en passant…
    Ce pauvre Evra ne méritait pas non plus d’être comparé avec Kundera, l’auteur qu’il faut absolument avoir lu dans les milieux à cuillère d’or, d’argent et de plastique 🙂
    Allez, un carton jaune, un match de suspension et n’y revenez plus 🙂

    J’aime

  10. Ainsi que le disait Nietzsche :
    « J’ai pardonné, à toi et à moi, et j’ai oublié…
    Hélas ! Tu as oublié, et toi et moi, et nous as pardonné…»

    J’aime

  11. Bonjour,
    Il m’étonnerait que Didier Deschamps, qui adore l’équipe de France et s’y connaît en football et s’obstine à préférer Patrick Evra à tout autre arrière droit, que sir Alex Ferguson qui adore Manchester United et s’y connaît en football et a confié le capitanat tant d’années à un Français, Patrick Evra, l’aient fait pour lui complaire.

    Patrick Evra est un grand joueur de football et Bixente Lizarazu, qui connaît bien le football, mais ne signale JAMAIS les bonnes actions menées par Patrick Evra lors des matches de l’équipe de France qu’il a accepté de commenter, est en cette affaire d’une regrettable
    mauvaise foi.

    J’aime

Laisser un commentaire