Il n’y a pas que le sexe et le football dans la vie, il y a aussi le rugby…

… et à bien des égards le rugby peut être pire que le foot.

Notre début de tournoi des six nations est ainsi l’équivalent du catastrophique Euro de football 2008.

En pire.

Rappelons les faits : en 2008, l’Equipe de France, après un match nul nul contre la Roumanie, avait perdu contre l’Italie (3-0) puis la Hollande (4-1). Défaites cruelles, mais contre deux équipes de haut niveau (on l’a oublié mais l’Italie n’avait perdu qu’aux tirs au but (et donc, en vertu du théorème de Fitoussi, à pile ou face) contre une équipe d’Espagne, réputée depuis invincible).

Rien de tel ici puisque nous avons commencé par une défaite contre l’Italie, qui termine traditionnellement le tournoi avec entre zéro et une victoire sur ses cinq matchs (une seule exception en 2007 avec deux victoires). C’était donc une très nette contre-performance, mais qui se trouve surpassée par notre défaite au Stade de France contre des Gallois déjà battus à domicile par l’Irlande. Si une certaine logique est respectée, nous irons perdre en Irlande, et nous n’avons à peu près aucune chance contre les Anglais chez eux. Nous jouerons donc contre les Ecossais pour éviter la dernière place du tournoi, et surtout la cuillère de bois, attribuée par dérision à l’équipe qui perd tous ses matchs (ce qui ne nous est pas arrivé depuis … 1957).

C’est vrai qu’on n’a pas trop envie de gagner cet objet. Ce n’est pas très joli.

Tout cela donc si une certaine logique est respectée. Mais il se trouve qu’en termes de respect d’une certaine logique aussi le rugby est pire encore que le foot. Certains prétendent s’en réjouir, et invoquent avec gourmandise la glorieuse incertitude du sport. Mais la vérité est qu’une absence totale de logique finit par nier toute relation entre le résultat d’un match et la valeur respective des équipes qui le disputent. Elle supprime donc la notion de compétition, dans laquelle supposément le meilleur gagne, pour ne laisser que la dimension d’un spectacle. Cette dimension est respectable, et même souhaitable, mais elle est insuffisante, et pour qu’un sport reste digne de ce nom, il faut tout de même que ses compétitions majeures ne débouchent pas trop souvent sur l’abracadabrant.

La place manque ici pour lister les résultats les plus ineptes de l’histoire du foot et du rugby, contentons nous du parcours des équipes de France dans les récentes coupes du monde. En 2006, c’est la même équipe de France de football qui arracha sa qualification en poule du premier tour (contre des adversaires aussi modestes que la Suisse, la Corée du Sud et le Togo), avant de terrasser l’Espagne (que personne depuis n’a éliminée d’une compétition internationale), de battre brillamment le Brésil, de dominer le Portugal, puis de perdre, dans les conditions que nous savons, une finale qu’elle méritait de gagner. Ce parcours grotesque jette le doute sur l’existence d’une logique, et donc finalement d’une échelle de valeur, dans le football. Mais que dire alors du rugby, et du parcours parfaitement chaotique de l’équipe de France en coupe du monde 2011 ? Après une défaite inacceptable contre le Tonga, elle n’est sortie de la poule du premier tour que par miracle, en vertu des points de bonus acquis grâce à l’ampleur de nos victoires contre les équipes les plus faibles de la poule. Sans ce système de points qui défie lui aussi toute logique, le Tonga nous aurait simplement éliminés.

 

Le drapeau de la croix-rouge se veut sans doute apaisant mais on a du mal à être totalement rassuré.

Ridicules en poule, donc, nous battons ensuite l’Angleterre à l’issue d’un match parfaitement maîtrisé. Nous sommes ensuite dominés par des Gallois pourtant vite réduits à 14, mais nous les battons tout de même, avant de perdre, contre des All Blacks à domicile, une finale que de l’avis même des commentateurs britanniques nous aurions dû gagner si l’arbitrage n’avait pas été démesurément partial. L’incertitude du sport je veux bien, mais là ça devient du grand n’importe quoi.

Pour revenir au tournoi des six nations, la dernière fois que nous avons perdu nos deux premiers matchs, en 1982, nous avons ensuite établi une sorte de record de l’incohérence en battant pour notre dernier match, et après une troisième défaite, l’Irlande qui ne comptait elle que des victoires, la privant du grand chelem, et évitant du même coup la cuillère de bois. Pour faire pire, nous pourrions cette année nous payer le luxe d’aller battre les Anglais chez eux, pour une victoire sublimée par son côté miraculeux (absurde, en vérité), avant de perdre contre l’Ecosse au Stade de France.

Le rugby réussit également à faire pire que le foot dans un secteur où l’absolu semblait pourtant avoir été atteint : le charisme du sélectionneur national. Tout a déjà été dit ici (ailleurs aussi, mais moins bien qu’ici) sur Domenech, et l’impossibilité pour ce comédien pathétique d’organiser puis surtout de mener une équipe de football de haut niveau. Là aussi le foot semblait avoir mis la barre très haut, mais là encore le rugby fait pire. Domenech avait un charisme nul, mais avec Saint-André nous sommes dans le négatif. Ses qualités techniques ne sont pas en cause, et nous avons en mémoire ses exploits de joueur, mais ses interviews font peine à voir. Son visage triste et résigné évoque Droopy, et avec le son cela s’aggrave : sa voix sanglotante peine à sortir de sa gorge, et on le voit difficilement sublimer des gaillards d’un quintal au moment d’aller au combat. On est  à l’opposé de la règle des 3 C si joliment énoncée par Chabal (« La règle des trois C, des couilles, des couilles et encore des couilles »).

Chabal se fait tirer les oreilles par la maîtresse car il a dit des gros mots (« couilles », trois fois).

Et pour prouver que l’irrationnel est aussi une réalité au niveau du championnat de France, le jour même où l’Equipe de France se faisait ridiculiser par le Pays de Galles, le leader Toulon était proprement laminé 41 à 0 par Bordeaux-Bégles, pourtant avant-dernier au coup d’envoi. Il est bon de rappeler en effet que le championnat de France ne s’interrompt pas pendant le tournoi des six nations. Une extravagance de plus du rugby par rapport au football, et si l’organisation des compétitions de football laisse parfois à désirer, on peut toujours se rassurer en considérant qu’il y a encore une marge de progression vers l’irrationnel. L’inconsistance ultime étant bien sûr de jouer avec un ballon ovale.

8 commentaires

  1. Cette tribune perd de vue un élément et se trompe sur un autre:
    – ce qui reste la grande honte de l’équipe de France de foot c’est le comportement honteux de joueurs lors de la coupe du monde(la fameuse gréve entrainement devant les caméras du monde entier qui ont ridiculisé la France entière). Que des joueurs perdent ou même soit mauvais c’est triste et rageant mais ça fait parti du sport est on ne peut leur en vouloir.. un comportement de petits garçons mal élevé ça ce n’est pas admissible. Heureusement pour l’instant les rugbymen Français nous épargnent cette honte et tant qu’ils le feront ils n’atteindront pas la bassesse des footballeurs de la coupe du monde
    – le chapitre sur l’incertitude du résultat au rugby démontre une grande méconnaissance de ce sport. C’est probablement le sport ou il y a le moins de surprise. J’en veux pour preuve l’absence de coupe de France. Des tentatives ont eu lieu par le passé mais on été abandonnées: l’équipe de division inférieure perd dans 100% des cas. Du coup aucun intérêt à faire jouer l’une comme l’autre des équipes de niveaux différents et abandon de la coupe. C’est une grande différence avec le foot. Faut il s’en réjouir ou pas … c’est une autre histoire. POur ma part j’ai tendance à penser que le fait qu’une équipe de niveau inférieur (voir 2 ou 3 niveaux en-dessous) puisse battre une équipe d’élite discrédite le sport en question.

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    1. @Chamayou : Merci pour ce commentaire très pertinent. Effectivement avec cette grève ridicule, l’équipe de France de football a établi une sorte de record du monde de la honte, qui sera difficile à battre.
      Félicitons tout de même l’équipe de France de handball, qui a bien failli se hisser au même niveau en détruisant le studio de l’Equipe TV après sa victoire aux JO.

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  2. « L’inconsistance ultime étant bien sûr de jouer avec un ballon ovale. »
    Remarque interessante, mais êtes vous sur que l’inconsistance ultime n’est pas plutôt dans le principe même du football: tenter désesperement de faire avec ses pieds ce qu’il est si facile de faire avec ses mains ??

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      1. @MAL : 1 point pour vous. Ce qui peut ammener à se demander si l’inconsistance ultime n’est pas tout simplement dans l’idée même du sport: passer sa semaine à réclammer et défendre des libertés toujours plus nombreuses et toujours plus large… et finir tout ses samedi aprés-midi à se soumettre volontairement à un corpus de règles toutes plus arbitraires et absurdes les unes que les autres… le tout pour son plus grand plaisir.

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      2. @Jo : Je me demande si vous n’avez pas trouvé là une très belle définition du sport. S’imposer des règles absurdes pour se surpasser, créer des difficultés pour les surmonter. En ce sens, les règles les plus radicales sont les plus efficaces (ne pas toucher le ballon avec les mains, ou ne pas faire de passe vers l’avant par exemple).
        Et finalement le coup du ballon ovale faisait une agréable chute à mon article, mais il est bien discutable.
        Merci de vos interventions pertinentes et à bientôt de vous lire sur notre site.

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