Benlosam l’exprime très bien, les défaites magnifiques occultent la plupart des victoires. Mais obtenir une défaite magnifique ce n’est pas si facile. Et le match de mardi dernier ne s’y prêtait absolument pas.Qu’est ce qui rend une défaite vraiment magnifique ? Sans doute avant tout d’avoir été précédée d’un assez grand nombre de victoires pour mieux être mise en relief.
Comme dit le sage tibétain, plus haut est le sommet plus spectaculaire est la chute. Parmi les défaites citées par Benlosam, lesquelles ont eu le plus grand retentissement historique ? A n’en pas douter Waterloo et Séville. Or elles ont en commun qu’elles venaient mettre fin à une épopée relativement glorieuse, jetant à terre celui que l’on s’attendait à voir victorieux.
Certes la période Napoléonienne n’est pas qu’une série de succès, mais l’image de Napoléon est bien celle d’un général victorieux. Et c’est l’enchaînement de ses victoires qui donnent à sa défaite de Waterloo tant d’importance. Pour Séville, il est certain que le déroulement du match a lourdement contribué à le faire entrer dans l’histoire, mais il y a aussi la qualité de l’équipe de France, son parcours et les espoirs qu’elle portait. Le même déroulement venant à un autre moment de la compétition après une ou plusieurs défaites n’aurait pas fait de ce match une légende.
D’ailleurs lorsque Benlosam évoque France Mexique (Coupe du monde 2010) ou France Hollande (Euro 2008) il ne leur donne pas le statut envié de défaites magnifiques. Ces défaites sont noyées dans un marasme profond, elles ne ressortent pas de cet hiver footballistique. Au sens propre du terme elles tombent à plat, elles n’ont aucun relief.
Une défaite magnifique, cela se mérite, cela se construit. Il y faut certes des circonstances (un but à la dernière minute, un arbitrage scandaleux, des adversaires allemands), mais cela nécessite aussi une bonne préparation. Cette préparation inclut nécessairement des victoires, pour faire de la France (ou de son représentant) le champion du moment, ou lui permettre au moins de susciter de forts espoirs de succès. La défaite de Fignon en 1989 porte en elle sa dose de spectaculaire, mais elle est sublimée par sa très belle victoire de 1983 et sa superbe domination de 1984 (Benlosam ne les a évidemment pas oubliées, il fait semblant) ainsi que par sa victoire dans le Giro (une victoire dans le Tour de France 1989 lui aurait offert un doublé qui n’avait alors été réussi que par 5 coureurs). Il a chuté à deux doigts d’un sommet.
Nous étions loin de cela mardi dernier. Imaginons que nous ayons perdu. Hypothèse évidemment absurde puisque dès la 65ème minute Arsène Wenger nous avait dit que nous allions revenir (or in Arsene we trust). Imaginons tout de même. Nous n’aurions eu qu’une défaite, qui loin d’être magnifique, se serait placée dans la perspective d’une triste prestation contre le Japon. Certes le but refusé aurait alimenté les débats, mais les commentateurs se seraient contentés pour la plupart de considérer que le résultat donnait raison à leur analyse critique d’avant match, et en auraient rajouté sur ces joueurs mal élevés et qui ne mouillent pas le maillot. La défaite étant en plus de tout attendue, elle n’aurait strictement rien eu de magnifique.
Par conséquent nous pouvons contredire Benlosam : la victoire d’hier ne vient pas trahir notre longue tradition de défaites magnifiques. C’est le contraire qui est vrai. Puisqu’il ne pouvait pas être question d’une défaite magnifique ce jour là, il nous restait à préparer le terrain pour le futur. Notons au passage que Dechamps a connu relativement peu de défaites magnifiques dans sa carrière. Après de longues années au sommet, il n’a à son actif en la matière que le but de Kostadinov, puisqu’il n’était pas de la finale OM-Etoile Rouge de 1991, et qu’il a quitté l’Equipe de France à son sommet. Il souffre sûrement de ce manque cruel.
Or tout le monde s’accorde à voir sa patte dans le succès de Madrid (même si techniquement ce n’est qu’un match nul), et ce résultat inespéré va nous permettre de renouveler cette tradition de défaites magnifiques. Nous commençons tout juste à rassembler les ingrédients nécessaire pour une belle défaite, comme les aime Benlosam. Peut-être l’équipe de France a-t-elle posé ce jour là à Madrid la première pierre d’un édifice qui l’emmènera suffisamment haut pour que sa chute soit digne de Séville ou de Waterloo. A moins qu’elle n’aille jusqu’au bout, et se contente d’une victoire que nous oublierons bien vite, comme Cocherel ou Castillon(1).
(1) Pour ceux qui l’ignoreraient, Cocherel est l’une des plus belles victoires remportés par du Guesclin pendant la Guerre de Cent Ans. Elle se situe au tout début du règne de Charles V (en 1364, avant même son sacre), et marque le commencement de la reconquête du royaume par ce grand roi et son célèbre connétable breton. Quant à Castillon, c’est tout simplement la victoire Française qui en 1453 a mis fin à cette même Guerre de Cent Ans. Ces victoires décisives sont perdues dans les brumes de nos souvenirs les plus vagues, alors que Crécy et Azincourt, résonnent avec effroi dans les pages des livres d’Histoire de notre enfance. Nous voyons tous ces archers anglais mettre en déroute la fine fleur de notre chevalerie en 1346 puis en 1415, mais le triomphe de notre artillerie en 1453 n’a pas eu la même postérité. Injustice criante, surtout quand on considère l’importance prise par l’artillerie dans les armées modernes, alors que les archers s’y font rares.
Oui mais Alesia, qu’est ce que c’est Alesia? Personne ne sait ou ca se trouve Alesia.
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Effectivement, personne ne sait où est Alésia. Cette défaite est loin d’être une Défaite Magnifique au sens de Benlosam. Elle n’a pas bénéficié de la préparation qui lui aurait permis de prétendre à ce titre. Voilà une confirmation de plus, si besoin était, de cette belle théorie.
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