Le tableau des médailles des JO de Rio est abondamment commenté. Comme d’habitude les commentaires sont inappropriés aussi bien dans leur analyse du présent que dans les perspectives de progrès qu’ils envisagent.
L’analyse du présent s’appuie de manière irréfléchie sur les résultats bruts, sans considérer la conjonction d’aléas qui y a contribué, ni même la réalité des chiffres.
La réalité des chiffres avant tout : on s’extasie d’avoir battu le record de médailles de Pékin (42 contre 41), mais se demande-t-on combien de médailles ont été distribuées ? Entre Pékin et Rio le nombre total de médailles est passé de 958 à 974 par conséquent le pourcentage de médailles que nous avons gagnées (seul ratio un peu pertinent) progresse certes, mais de manière imperceptible (il passe de 4.28% à 4.31%).
En réalité, à l’aune de cette mesure, la seule qui ait une signification, nos meilleurs JO sont ceux d’Atlanta (1996) avec « seulement » 37 médailles, mais qui représentent 4.39% du total des 842 distribuées.

Elle avait déjà remporté le 400 mètres. Quel athlète français a fait mieux ?
Mais quelle que soit la mesure utilisée, elle est évidemment très sensible à une ou deux médailles en plus ou en moins. Nous l’avons déjà démontré pour le football et bien évidemment c’est aussi vrai ici : une grande partie des résultats sont soumis à des aléas qui échappent au contrôle de nos sportifs et de leurs adversaires. Un poteau à la dernière seconde du quart de finale au hand féminin, un autre à la dernière seconde de la demi-finale, des juges de natation en eau libre qui décident de répondre à une question qu’on ne leur a pas posée, des juges de judo qui voient dans un contact passif une attaque volontaire, des départages au millième de seconde qui privent Florent Manaudou d’une médaille d’or qui lui semblait promise ou gratifient Christophe Lemaître d’une médaille de bronze que nous n’espérions plus, la liste est longue des éléments extérieurs qui auraient pu nous valoir des médailles en plus ou en moins.

Les Espagnoles vont elles parler pendant des années des poteaux carrés ?
Cessons donc de commenter des chiffres flous, et considérons plutôt les moyens de progresser à l’avenir.
Pour cela nous pouvons étudier les résultats des précédentes olympiades, et essayer de copier ce qui a marché par le passé pour les autres pays.
Reconnaissons d’abord que certains éléments échappent à notre contrôle, à commencer par la démographie. Les Américains ont régulièrement 3 fois de plus de médailles que nous mais ils sont à peu près 5 fois plus nombreux (323 millions d’habitants contre 67). L’impact de la démographie n’est pas directement proportionnel : dans les épreuves individuelles le nombre de participants par pays est limité, et chaque pays ne présente qu’une équipe dans les sports collectifs. Néanmoins un vivier de sportifs plus important est évidemment un facteur favorable. Avec leurs 1.375 milliard d’habitants (donc un facteur 20 par rapport à nous) les Chinois en bénéficient également.

Ici l’organisation en difficulté lors des sélections de la natation.
A l’opposé, ces considérations démographiques font ressortir les mérites d’un pays comme la Jamaïque, qui avec 11 médailles pour 2,7 millions d’habitants, affiche un ratio de 4,0 médailles par million d’habitants. Soulignons aussi les performances de la Nouvelle-Zélande (18 médailles – 4,7 millions d’habitants – ratio 3,9) ou de la Croatie (10 médailles – 4,5 millions d’habitants – ratio 2,2). Cette mesure nous vaut un ratio de 0,62 , qui nous place nettement devant les Etats-Unis (0,37), la Chine se trouvant dans les profondeurs du classement avec un ratio de 0,05 (derrière l’Ethiopie, 8 médailles et 92 millions d’habitants, le saviez-vous ?).
La conquête de territoires peuplés de sportifs potentiels étant une option abandonnée depuis quelques décennies, envisageons d’autres moyens d’augmenter notre nombre de médailles. L’un des plus efficaces est d’être les organisateurs de la compétition.

La Nouvelle-Zélande n’est pas un vaste terrain de rugby peuplé de moutons, c’est avant tout une île (et même plutôt deux).
Ce facteur est sensible mais peu spectaculaire pour les pays habitués aux premières places : la Chine 1ère à Pékin ou l’Australie 4ème à Sydney ont fait presque aussi bien aux JO suivants ou précédents. Mais il est radical pour les pays plus modestes. Les chiffres parlent d’eux-mêmes si l’on considère le nombre de médailles de l’Espagne :
5 à Los Angeles (1984) – 4 à Séoul (1988) – 22 à Barcelone (1992)
ou de la Grèce :
8 à Atlanta (1996) – 13 à Sydney (2000) – 16 à Athènes (2004)
Mais l’effet est parfois de courte durée : l’Espagne n’a obtenu que 11 médailles à Sydney (2000), quant à la Grèce elle est retombée à 4 médailles à Pékin (2008) puis 2 à Londres (2012).

A la vérité, le seul élément qui permette de gagner de manière durable un nombre important de médailles semble être le communisme.
Nous ne nous appuierons pas pour le démontrer sur les résultats de l’URSS, qui s’est classée 1ère de 1972 à 1992 (sauf en 1984, année où elle boycotta les jeux de Los Angeles). En effet, avec presque 300 millions d’habitants, l’impact de la démographie est évident et vient perturber l’analyse.
Considérons plutôt les pays de ce que l’on appelait l’Europe de l’Est : Allemagne de l’est, Pologne, Roumanie, Tchécoslovaquie, Hongrie et Bulgarie. Entre 1956 et 1992, ces 6 pays se sont toujours classés dans les 20 premiers. Mieux : on en retrouve 4 ou même 5 dans les 10 premiers en 1972, 1976, 1980 et 1988 (la Roumanie, seule des 6 présente à Los Angeles (1984), s’y est classée 2ème). Cette régularité au plus haut niveau est proprement ahurissante, surtout compte tenu de populations modestes par rapport aux pays concurrents (Bulgarie 7.3 millions d’habitants, Hongrie 10 …).

Pour les médailles olympiques c’est incontestable.
Les choses commencent à se dégrader à partir de la chute du mur de Berlin et du changement de régime politique dans ces pays. L’impact est sensible à Atlanta (1996) où les 5 pays (l’Allemagne de l’Est n’existe plus) se classent entre 11e et 22e puis c’est la dégringolade et à Rio à part la Hongrie (12e) ces pays d’Europe centrale figurent entre la 33e et la 65e place. La Hongrie s’est maintenue à un bon niveau sur toute cette période grâce à une expertise reconnue en escrime mais aussi en Kayak, qui lui rapporte régulièrement plusieurs médailles d’or (et maintenant vous le savez).
Faut-il donc instaurer un régime communiste afin d’obtenir plus de médailles aux Jeux Olympiques ? Il ne nous appartient pas de le dire, nous ne faisons qu’étudier de manière un peu sérieuse des résultats sportifs. Dans un premier temps il semblerait sans doute préférable d’obtenir l’organisation des JO de 2024, même si, comme nous l’avons vu, l’impact positif est sans doute moins pérenne.