Zidane, la chance du débutant expliquée aux débutants

Pour sa première saison comme entraineur de club, Zidane a remporté aux tirs aux buts la compétition la plus prestigieuse du monde, la ligue des champions.
Il a bénéficié de la chance du débutant.

Zizou-triomphe-Mai16
La chance du débutant, c’est Michel Sardou qui la décrit le mieux dans « En chantant » :
« La première fille de ma vie, dans la rue je l’ai suivie, en chantant »
« J’étais si content de moi, que j’ai fait l’amour dix fois, en chantant »
« Mais je n’peux pas m’expliquer qu’au matin elle m’ait quitté, enchantée »

Sardou ne savait pas qu’il bénéficiait simplement de la chance de la débutant, comme Zizou hier soir.

Eloge de l’inexpérience

La chance du débutant n’a rien à voir avec la vraie chance. Il s’agit d’une hypothèse, confirmée par la vie : un homme totalement inexpérimenté, vierge, réussit souvent mieux que celui qui a déjà vécu une situation analogue. L’expérience n’est pas toujours un avantage, elle peut même être un sacré fardeau.

La chance du débutant, c’est la revanche de l’immaturité, c’est le pied de nez du jeune au vieux, de l’outsider au connecté, de l’ignorant à l’expert.

Un homme expérimenté croit sans cesse reconnaître des schémas. Il reconnait du déjà vécu. Il se souvient alors qu’il doit choisir tel chemin, ou, au contraire, éviter absolument une erreur qu’il a déjà commise. Il ne voit pas que les choses ne sont jamais exactement semblables. L’environnement a changé, les acteurs sont différents, le temps a passé, le schéma qu’il croit reconnaître n’est qu’un leurre. Il se limite involontairement, en cherchant à reconnaître le passé, au lieu d’ouvrir l’univers infini des possibles.

Le puceau, celui qui découvre une situation pour la première fois – le corps d’une femme, une finale de coupe d’Europe comme entraîneur – voit le monde autour de lui dans sa singularité. Ses yeux sont grands ouverts tandis que ceux de l’homme expérimenté regardent un rideau recouvert d’expériences passées.

Voilà pourquoi Sardou fait l’amour dix fois. Voilà pourquoi la fille est enchantée. Voilà pourquoi Zizou a gagné.

Mais dès que le puceau est dépucelé, lui aussi tombe dans l’illusion de l’éternel recommencement. Ses yeux ne seront plus jamais ouverts comme la première fois. Il a perdu l’illimité de la feuille blanche. Il vivra désormais dans l’illusion du recommencement éternel. Il ne fera plus jamais l’amour dix fois de suite. Pourtant il cherchera toujours à revivre ce paradis initiatique. Comme Zizou tentera de gagner à nouveau la ligue des champions.

Mais ce sera plus difficile, maintenant, avec ce rideau tissé de souvenirs dressé entre la réalité et les yeux.

Zizou-chut

La chance du débutant a bon dos, et la vraie chance alors ?

Les sceptiques protesteront : si Zizou a gagné hier comme entraîneur, c’est surtout parce que le Réal a gagné le tirage au sort, et a donc tiré les pénaltys en premier. Or tout le monde sait que tirer en premier est un avantage considérable. Ça c’est de la vraie chance, de l’aléa pur, rien à voir avec la magie de l’inexpérience, rien à voir avec la chance du débutant.

Dans sa carrière, Zizou a connu trois tirages au sort cruciaux, deux comme joueur, un comme entraîneur :

3 juillet 1998 : Quart de finale de coupe du monde France – Italie, la France gagne le toss, tire en premier et se qualifie.

9 juillet 2006 : Finale de coupe du monde Italie-France, la France perd le toss, tire en second et perd.

28 mai 2016 : Finale de la champion’s league, Réal-Atlético, le Réal gagne le toss, tire en premier et devient champion d’Europe.

Zizou a donc gagné deux fois sur trois le tirage au sort.

Pur hasard ?

Pas si sûr.

Car sa seule défaite c’était le jour qui n’était pas une première, le jour où il y avait du déjà vécu : une seconde séance de tirs aux buts contre l’Italie dans un match crucial de coupe du monde.

Sa seule défaite, c’était le jour où il ne bénéficiait pas de la chance du débutant.

Mais même lorsque l’on n’est plus débutant, même lorsque l’on perd le toss, puis les tirs aux buts en tirant en second, en 1982 à Séville, 1991 à Bari ou en 2006 à Munich, « la vie c’est plus marrant, c’est moins désespérant, en chantant. »

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