Un rêve jamais atteint
Al Gore a obtenu plus de voix que George W Bush sur l’ensemble des Etats-Unis en 2000. Pourtant, pour quelques dizaines de voix en Floride, il est resté en lisières de la maison blanche. Son rêve est mort.
Franck Ribéry fut, en 2013, le meilleur joueur d’un club qui a tout gagné, champion’s league, coupe et championnat d’Allemagne, championnat du monde des clubs. Au prétexte un peu facile, un peu injuste, que Ronaldo a marqué 69 buts (un nombre de buts indécent et exagéré, franchement!), il reste lui aussi en lisières du ballon d’or.
Sa cheminée, qui restait vide en attendant le trophée, sombrera dans la mélancolie des vieilles cheminées délaissées.
Olivier Adam a écrit un livre « Les lisières » qui raconte l’histoire de ces gens qui n’atteignent jamais vraiment le centre. Qui sont aux lisières des villes, aux lisières de la bourgeoisie, de la classe ouvrière. Être tout près, si près que l’on croit pouvoir toucher l’abondance, la reconnaissance, l’endroit où l’on veut habiter ou le ballon d’or. Tendre la main, allonger les doigts, ne sentir que le vide et voir son rêve s’éloigner. Pauvre Ribéry, pauvre Al Gore.
Qu’y a-t-il de pire ?
Al Gore ne s’en est jamais remis. Il est devenu une icône inutile du réchauffement climatique, sa carrière ressemble maintenant à celle de Brigitte Bardot après le cinéma.
Franck Ribéry s’en remettra-t-il ?

La grande et la petite immortalité
Milan Kundera dans son roman l’Immortalité :
« Il faut distinguer la petite immortalité, souvenir d’un homme dans l’esprit de ceux qui l’ont connu (…), et la grande immortalité, souvenir d’un homme dans l’esprit de ceux qui ne l’ont pas connu. Il y a des carrières qui, d’emblée, confrontent un homme à la grande immortalité, incertaine il est vrai, voire improbable, mais incontestablement possible, ce sont les carrières d’artiste et d’homme d ‘état. »

Les footballeurs, que l’on peut ranger avec les artistes, savent qu’ils auront peut-être accès à cette grande immortalité. Thierry Henry, par exemple, disait sans cesse qu’il voulait « marquer l’histoire ». L’obsession de Ribéry cette année pour le ballon d’or ne s’explique pas autrement. Il a compris qu’il avait une chance d’atteindre la grande immortalité, grâce à son sésame, le ballon d’or.
Un ballon d’or, comme un président des Etats-Unis, est immortel. Sa mort donne lieu à des funérailles mondiales. On vient d’en avoir une illustration avec la mort du ballon d’or 1965, le portugais Eusébio.

Être immortel, oui, mais de son vivant
Ribéry espérait la grande immortalité. Comme Michel Platini, Charles de Gaulle ou Victor Hugo, il pensait obtenir, de son vivant, l’assurance de l’immortalité.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit ici. On ne parle pas de la grande immortalité obtenue après la mort, l’immortalité à la Van Gogh ou à la Kafka. Aucun intérêt. Mais de l’immortalité garantie avant le décès. Pouvoir, de son vivant, profiter de son immortalité, voilà le vrai, le grand, le rare privilège, que Franck Ribéry, pauvre mortel, pensait mériter.
Car être immortel après la mort, franchement, quel intérêt ? Quand on est mort, on est mort.

Encore un excellent article de Benlosam mais la conclusion me laisse perplexe. La réflexion de Garcin dans Huis Clos, qui se demande ce que ses amis pensent de lui alors qu’il est mort, ne nous montre-t-elle pas justement que nous attacherons toujours de l’importance à ce que les autres pensent de nous ?
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Cédric, merci pour votre commentaire excellent. C’est bien de citer Sartre ici, car vous le savez, je l’ai dit dans le post « comment le football m’a rendu croyant », je préfère draguer avec Sartre plutôt que de jouer au tennis avec Aron. Votre commentaire donne à penser. En effet, puisque nous avons tous accès à la petite immortalité, le souvenir dans la mémoire de nos proches, les préoccupations de Garcin sont universelles. et puisqu’en plus, l’enfer c’est les autres, notre souvenir vivra en enfer éternellement. Angoissant.
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