La RATP donne une leçon de neutralité

On peut voir dans le métro parisien des affiches faisant la promotion d’un concert du groupe « Les prêtres ». Mais la RATP a refusé que figure sur ces affiches le bandeau annonçant « En concert pour les Chrétiens d’Orient »(1). Ce bandeau a été retiré pour des raisons qui figurent dans un communiqué de la RATP, malencontreusement daté du 1er avril (mais, encore plus malencontreusement, tout à fait sérieux).

La raison centrale en est l’affirmation du « principe de neutralité du service public », au nom duquel est prohibée « toute publicité présentant un caractère politique ou confessionnel ». Par conséquent la RATP ne peut pas prendre parti « dans un conflit de quelque nature qu’il soit ».

Odieuse absence de neutralité dans ce bandeau, limite stimagtisant.
Odieuse absence de neutralité dans ce bandeau, limite stimagtisant.

Cette décision pourrait choquer car notre premier réflexe, lorsque l’on apprend un massacre, est de secourir les victimes. Ou disons de donner de l’argent en leur faveur. Ou au moins d’encourager à donner de l’argent. Ou de soutenir ceux qui encouragent à donner de l’argent pour financer ceux qui finalement vont faire quelque chose.

Mais à la fin, et la RATP a raison de le rappeler, ce réflexe n’est pas raisonné. Certes les chrétiens se font exterminer en Syrie et dans d’autres pays. Oui, il est vrai, les islamistes massacrent beaucoup de gens un peu partout (les chrétiens ici, d’autres ailleurs). Mais qui sommes nous pour juger ? La RATP est-elle au-dessus des hommes pour dire ce qui est bien et ce qui est mal ? A-t-elle mandat pour se prononcer ? A l’évidence non. La seule réaction responsable est donc de ne rien faire, et de ne rien dire. Cela s’appelle la neutralité et c’est un exemple qui devrait être suivi par tous.

L’histoire fourmille d’exemples de cette vertueuse neutralité. Ainsi, en 1940, au nom de la neutralité le gouvernement Belge avait disposé quelques unités militaires sur la frontière française (ce qui n’empêcha pas l’armée Belge, le moment venu, de se battre contre les Allemands avec tout l’héroïsme dont elle avait les moyens). Dans la même période, notre pays put s’enorgueillir de compter parmi ses citoyens de nombreux héros de la neutralité qui refusèrent courageusement de choisir entre les nazis et leurs victimes (je veux dire les autres parties du conflit politique ou confessionnel).

Image d'un conflit. Avant tout ne pas prendre parti.
Image d’un conflit. Avant tout ne pas prendre parti.

Il faut bien reconnaître que le monde du football n’a pas toujours suivi cette voie de la sagesse et a souvent péché par excès d’audace, en prenant parti là où la neutralité aurait dû l’emporter. Prenons l’exemple de Schumacher qui détruit Battiston à Séville en 1982. Le monde du football s’est indigné et a stigmatisé le goal allemand pour son geste. Cette réaction n’était pas responsable car elle aurait pu causer des réactions contraires de la part des supporters de la violence allemande. Il aurait été nettement préférable de noter qu’un contact avait eu lieu entre Schumacher et Battiston, et que quelques minutes plus tard ce dernier avait été évacué, inanimé, sur une civière. Point. Tout commentaire supplémentaire est superflu, voire dangereux.

Prenons exemple sur la RATP. Ne choisissons pas entre les uns et les autres au prétexte que les uns sont des assassins et que les autres ne sont déjà plus. Avant tout, pas de stigmatisation ni d’amalgame.

 

(1) Nous apprenons que la RATP a finalement décidé d’abandonner sa noble position de neutralité pour ajouter ce fameux bandeau. Cela n’enlève rien à la portée des nos réflexions philosophiques.

 

4 commentaires

  1. Je ne trouve pas ça drôle (je suppose que c’est censé l’être)… Quand on souhaite faire part de son opinion, on l’argumente et on ne joue pas de manière ambiguë sur le 2nd, voire le 3e degré. De plus, quel rapport entre le foot et les massacres au Moyen Orient ??!

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    1. Cher Mjmjmj, merci de votre commentaire.

      Pour vous répondre strictement au premier degré, la liberté d’expression nous autorise à faire part de l’opinion que nous souhaitons, de la manière que nous souhaitons. D’où effectivement une petite dose de 2nd degré ici ou là dans certains de nos billets.
      Quant au rapport entre le foot et les massacres au Moyen-Orient, c’est simplement l’humain.

      Au plaisir de vous lire de nouveau.

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