Pourquoi supporter cette équipe de France ?

L’ambigüité du verbe « supporter » donne toute sa richesse à cette question. On peut la comprendre comme  « Faut-il soutenir cette équipe ? » (être un « supporter » au sens anglais du mot) ou comme « Devrons-nous accepter encore longtemps une telle équipe ? » (sens français du verbe supporter).

Parlons simplement du soutien qu’apporter le supporter. Est-il automatique, est-il naturel, est-il obligatoire de soutenir son équipe nationale ? Clairement non. Si cette équipe ne reflète aucune des valeurs auxquelles je tiens, je ne la soutiens pas. On  pourrait évoquer ici la question du patriotisme, qui pour certains ferait obligation à tout citoyen de soutenir son équipe nationale. Réglons cette affaire en deux mots pour dire que rien au monde ne peut obliger quiconque à rester solidaire de son équipe nationale lorsque celle-ci se comporte odieusement. Doit-on, parce qu’on est allemand, applaudir à la sinistre victoire du 8 juillet 1982 contre la France, et donc cautionner le crime de Schumacher ? Un Uruguayen a-t-il le devoir d’approuver la main de l’infâme Suarez contre le Ghana (2 juillet 2010) ? Evidemment non. L’Histoire du monde est pleine de circonstances où l’honnête homme doit faire fi de son appartenance nationale, il en est de même au football.

L’un des plus vilains gestes de la Coupe du Monde 2010. Ce jour là le crime a payé, devant la terre entière.

Cette liberté de chacun à se déterminer par rapport à son équipe nationale m’est apparue le 10 juillet 2006. Au lendemain de la funeste finale contre l’Italie, je croise un ami à la boulangerie. Encore sous le choc, n’arrivant toujours pas à comprendre cette défaite absurde, je lui dis en deux mots ma tristesse. Il me répond avec le sourire que lui s’en fout, qu’il n’aimait pas cette équipe. Jean-Pierre si tu me lis, ce jour là tu m’as ouvert les yeux. On peut aimer son équipe nationale. Ou pas. On peut soutenir son équipe nationale. Ou pas. C’est une des libertés fondamentales du supporter que d’avoir ce choix.

Reste évidemment la fierté nationale. Lorsque nous avons gagné la Coupe du Monde en 1998, chacun de nous était fier d’être français. Ceux qui se trouvaient alors à l’étranger pouvaient se pavaner au bureau, enroulés dans le drapeau français, ils étaient portés par le prestige de notre équipe nationale. De la même façon, un ami me racontait que lors d’un voyage en Yougoslavie en 1983, quand il arrivait à faire comprendre à ses interlocuteurs qu’il était français, ceux-ci lui disaient en ouvrant de grands yeux « Platini, Platini ! » avec le pouce levé. Et à cette époque chacun pouvait être fier d’être ainsi rapproché de Platini. Un peu de sa gloire rejaillissait sur nous. De même qu’un Hollandais pouvait être fier de se présenter comme le compatriote de Cruijff, et un Allemand de Beckenbauer (ce grand joueur nous a fait beaucoup de mal mais reconnaissons qu’en tant qu’homme il représente ce que l’Allemagne a pu produire de moins pire ces dernières décennies).

Je ne veux pas laisser croire que je pourrais avoir le même coiffeur que Menez.

Mais aujourd’hui ? Serais-je fier de m’affirmer comme proche de Benzema, d’Evra, de Menez ? Si un étranger me tape dans le dos en m’apostrophant « Benzema, Benzema ! », vais-je lui adresser un sourire complice ? Je ne crois pas. Je n’ai pas envie d’être vu comme proche de ce joueur, et il en est de même de la plupart de ceux qui composent notre équipe de France. L’affaire de Knysna a montré à qui nous avions affaire. Sans remonter jusqu’à Platini ou Giresse, imagine-t-on Emmanuel Petit ou Lilian Thuram avoir ce genre de comportement ? Evidemment non. Eux savaient où ils étaient, et les devoirs qu’ils devaient assumer en acceptant de porter le maillot de l’équipe de France. Rien de cela chez nos joueurs actuels. Depuis plusieurs années nous assistons à une dérive, et la différence entre notre équipe actuelle et celles du début du siècle est sans doute à rechercher non pas au niveau de l’agilité technique mais dans le mental.

Je vais peut-être choquer, mais pour courir vite, il n’est pas absolument nécessaire d’avoir une intelligence supérieure. Ca peut aider sans doute mais ce n’est pas indispensable. De manière évidente il en va différemment d’un sport collectif. Les aspects tactiques et relationnels sont d’une grande complexité, et sans un minimum de conscience au sein de l’équipe, cela ne peut pas fonctionner. C’est le problème que nous avons actuellement avec cette équipe. Le malheureux Deschamps peut choisir de faire jouer tel ou tel, mais il ne fait que juxtaposer des individualités, qui n’ont pas conscience de faire partie d’un collectif. Cette absence de conscience est peut-être liée aussi bien à l’égoïsme de certains joueurs qu’à un manque de clairvoyance, un manque de vision.

Nos joueurs ont des qualités physiques et techniques, mais nous souffrons d’un déficit grave de qualités mentales, au niveau de la compréhension des enjeux et de la générosité. C’est pourquoi je ne me sens plus solidaire de cette équipe. Je la regarde jouer presque plus par curiosité que par envie de la voir gagner. Et c’est triste.

12 commentaires

  1. Si il y a un pb de patriotisme ,c’est plutôt sur le terrain que ça se passe.je ne suis pas certain que cet assemblage de millionnaires venus des 4 coins d’Europe soit très motivé pour défendre gratuitement les intérêts de la France . les tiroirs caisse qu’ils possèdent à la place du cœur incitent ces joueurs a prendre un minimum de risque.

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  2. Lorsque vous parlez de Beckenbauer comme bourreau des français, j’ose espérer que vous ne faites pas allusion à 1982-86. Parce qu’il ne jouait pas à cette époque, ce qui illustrerait une profonde méconnaissance du foot de votre part.
    Mais le fond du problème c’est que de nombreux français (dont vous) ne supportent l’équipe de France que lorsqu’elle gagne. Quand ils gagnent, ce sont les plus beaux. Et quand ils perdent, on met en avant le fait qu’ils soient trop payés, que ce sont des « petits cons »,… Bref, vous avez une attitude de footix. Une équipe on la supporte jusqu’au bout, même quand tout va mal.
    Ce qui me fait le plus rire, ce sont les reproches sur le fait que certains joueurs ne chantent pas la Marseillaise. C’est bizarre mais ceux qui mettent Platini sur un piédestal oublient que ce dernier chantait pas l’hymne national. Mais tant que la France avait de bons résultats, ça ne posait visiblement pas de problèmes.
    Bref tout cela pour dire qu’on se retranche derrière une pseudo morale et un pseudo code de conduite pour critiquer finalement les résultats de l’équipe. Si ceux-ci suivaient, on n’entendrait même pas parler de la Marseillaise et d’autres problèmes dont les médias se font un plaisir d’en faire leurs choux gras…

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    1. Merci Thomas de votre commentaire.

      Merci de ne pas me prêter l’erreur de croire que Beckenbauer était de l’équipe de 1982. Beckenbauer et Schumacher dans la même équipe, c’est un peu comme Attila et Mozart dans la même formation. Ca ne colle pas. Je faisais évidemment allusion aux matchs entre le Bayern et Saint-Etienne.

      A part ça, non, on ne supporte pas une équipe jusqu’au bout quand les joueurs changent. Si je choisis de soutenir une équipe en début de saison, avec son entraineur et ses joueurs, alors il est logique de la soutenir jusqu’au bout, même si les choses tournent mal. Mais ce n’est pas parce que j’ai voulu soutenir une équipe composée de Platini, Giresse et Tigana que je dois absolument soutenir une équipe composée de Nasri, Giniac et Benzema, au seul prétexte qu’ils portent le même maillot (au sens figuré, on se comprend). Et si les joueurs de cette équipe se mettent à se comporter comme des voyous sur le terrain, qu’ils sont violents, insultent les supporters et frappent l’arbitre, je fais quoi ? Je les soutiens encore ? Désolé, mais non. Rien ne m’y oblige.

      MAL

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  3. Cette equipe est aussi victime des nouveaux medias, des reseaux sociaux. Les moindres faits et gestes sont a la fois detectes et analyses. Il y a autant de reporters tele que de proprietaires d’iphone en circulation. Sans compter le role des agents qui mettent l’huile sur le feu…Si on regarde un peu derrière nous, cette equipe a autant de qualites que l’equipe de France du debut des annees 90 et qui a rate 2 coupes du monde. Mais eux, on ne les a pas deteste…Et je ne pense pas que Marcel Dib, Bernard Pardo, Eric Cantona, Angloma ou JPP avaient une vie extra sportive plus respectable (surtout les 2 premiers de la liste…), mais ils pouvaient « aller aux putes » tranquillou pendant les stages de l’EDF.Sans compter les tensions entre joueurs Parisiens et Marseillais dans le vestiaire de l’EDF. Mais voila a cette époque , y avait juste Titi et Jean-Mimi gentillement installes derrière leur micro en tribune de presse le soir des matches …fallait pas compter sur eux pour avoir un scoop…..On n’a donc pas pu les detester. Merci Twitter!

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    1. @Juninho : Cher Juninho, nous sommes très flattés d’accueillir un Lyonnais aussi performance sur notre blog.

      Je suis totalement d’accord avec vous, les journalistes ont leur part dans la mauvaise réputation de nos footballeurs. Ils ne se contentent pas d’être les thermomètres qui révèlent la fièvre, ils la provoquent parfois délibérément, simplement pour avoir des choses à raconter et vendre du papier. Nous avons dénoncé ce comportement plusieurs fois, en particulier dans les billets suivants :
      http://blogs.lexpress.fr/pantheon-foot/2012/06/28/un-journaliste-anonyme-et-pyromane-2/
      http://blogs.lexpress.fr/pantheon-foot/2012/06/16/nasri-a-qui-profite-l’affaire/

      Votre comparaison avec d’anciens joueurs évoque la vie extra sportive. Ce n’est pas mon sujet, je ne parle que du comportement sur le terrain. Et sincèrement Pardo ou JPP ne s’économisaient pas. Quant à Cantona, il lui est arrivé d’avoir des comportements proches de ceux que je reproche à nos joueurs actuels, c’est exact, mais avouez qu’il avait un charisme qui les laisse loin derrière. Et lui n’avait pas besoin de coiffures grotesques pour se faire remarquer.

      Merci encore de votre intervention et allez l’OL.

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  4. Je suis totalement d’accord.

    Et je comprends mal pourquoi il est moins bien perçu de ne pas soutenir l’équipe de foot nationale que de ne pas soutenir le président de la République ou le gouvernement en place, qui représentent la France plutôt plus souvent que l’équipe de foot.

    75% des français ne soutiennent pas, nous dit-on, le président de la République. Nul ne leur en fait reproche. Alors que ce président a été dûment élu et, pour le coup, ne ménage pas sa peine pour défendre la France. Même si on peut s’interroger sur le bien-fondé des mesures qu’il préconise, au moins ne l’a-t-on pas encore vu faire la grève du travail pour lequel il a été choisi.
    Quant aux comportements extra professionnels répréhensibles, s’il y en a eu, nous ne les avons pas connus et lorsque nous en avons connu, la sanction de l’opinion publique a été rapide.
    Ne nous méprenons pas, je ne dis pas qu’il faut (ou pas) soutenir le président de la république, je dis que la liberté que nous avons de le soutenir ou non devrait s’appliquer aussi à notre choix de soutenir ou non l’équipe de France de foot.

    Non, rien ne nous oblige à soutenir une équipe dont nous ne partageons pas les valeurs.

    Et sinon, Tony Parker, il est comment dans la vie ?

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    1. Tony Parker est vraiment sympa, parait-il. Bretzelle, vous avez raison. Les français doivent aimer et supporter le président et le gouvernement. Vous avez aimé François 1er, Louis XIV ? Vous aimerez François Hollande. L’amour est éternel et inconditionnel.

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  5. La messe est dite. Nous n’irons pas au Brésil et c’est tant mieux. Après l’épisode désastreux et humiliant de Knysna, les footballeurs français ont une fois de plus démontré leur savoir vivre avec crises de nerfs et pétages de Pb à répétition.

    Après le gachis de Knysna, Beckenbauer a dit qu’il faudrait 20 ans au football français pour se relever de ses errements. Je crois qu’il n’est pas loin du compte. Il faut laisser le temps pour purger définitivement cette génération qui fait honte au maillot bleu.

    Paix à leur âme. Pour moi ils sont insuppportables.

    EF

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